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Á TOULON

14 septembre 1902. — Quelle heure aimable, ce matin, passée aux portières du wagon ! Tout me plaît, tout me sourit, le bleu du ciel, tendre et fondu, le bleu luisant, miroitant de la mer, le vert cendré des oliviers sur le gris violacé des montagnes, taché de rose par les éboulis de marbre… Et le contraste de cette Normandie lumineuse qui s’étend de Marseille à Aubagne le long des prairies où s’attarde l’Huveaune et des roches de Cassis, surchauffées par le cuisant soleil, roussies, crevassées, ce chaos pétrifié qui dévale dans l’eau profonde, pêle-mêle avec les genêts, les arbouses et les jeunes pins, et qui éteint sa flambée au fond des calanques obscures où clapote la petite vague rageuse… Et le beau golfe de la Ciotat, calme, pur, tableau riant, dans le cadre sévère du bec de l’Aigle et de la Fauconnière…

Plus loin, tandis qu’à gauche grandissent de rudes montagnes et que déjà, par-dessus la crête nue du Faron, le Coudon dresse en équerre son formidable bastion rougeâtre, à droite, de belles campagnes cultivées s’inclinent doucement vers les gracieuses baies de Bandol et de Sanary, où la terre et la mer viennent se baiser sur la plage blanche.

Voici maintenant, vite dressé et dépassant les noires pinèdes du Bois sacré, le cône de Six-Fours, tronqué aujourd’hui par un fort aux vilaines casemates blanchâtres qui fait regretter les pittoresques ruines d’autrefois… Autrefois ! Oui, je puis déjà dire autrefois, hélas !… N’y a-t-il pas un peu plus d’un quart de siècle