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de façon à satisfaire à la fois l’esprit et le regard. Sans discuter ici le mérite des statues existantes, il faut bien reconnaître qu’on n’a tenu aucun compte de convenances morales et esthétiques qui auraient dû être mûrement pesées et discutées à ce propos. Meissonier, en marbre et assis, fait face au buste de Raffet, juché en haut d’une colonne autour de laquelle un tambour de la vieille garde bat la charge ; plus loin, Boucher peignant et recevant sa palette des mains d’un Amour joufflu, et, à côté, Velazquez à cheval, caracolant en tenue de fourrier du palais, tel est l’assemblage imprévu que nous offre la réunion de ces personnages. Pourquoi ces artistes si inégaux et pas d’autres ? Pourquoi ces dimensions et ces matières si diverses ? Pourquoi cet étrange pêle-mêle et cette absence complète de symétrie dans les proportions et dans les emplacemens, à côté d’un édifice qui, par ses qualités architecturales et sa destination même, commandait une régularité et un ordre qui ont été absolument méconnus ?

Mais il ne s’agit là, à tout prendre, que de décoration extérieure, et des fautes bien autrement graves ont été commises au point de vue de la sécurité de nos collections. Si, comme la plupart des grands musées de l’Europe, le Louvre est isolé de toutes parts, seul, parmi eux, il renferme en lui-même des causes de danger dont tous sont exempts et, par la plus coupable des négligences, ces dangers se perpétuent, en dépit de toutes les protestations et des prescriptions légales les plus formelles. L’installation du ministère des Finances dans les bâtimens qui longent la rue de Rivoli constitue déjà pour le Louvre un voisinage singulièrement dangereux. On ignore, en général, que dans les caves de ce ministère fonctionne, sans répit, une machine à vapeur, à côté de laquelle sont placés des dépôts de combustible contigus au Musée. Du moins, des murs d’une épaisseur convenable séparent les deux bâtimens et la présence d’un poste de pompiers et d’un corps de garde assure à la fois, par une surveillance continue, la sécurité du Grand-Livre de la dette publique et celle de nos collections. A la suite d’une enquête et d’une visite détaillée provoquées par le Conseil des musées, de concert avec l’architecte du Louvre, un employé supérieur des Finances, des membres délégués par le Conseil et le capitaine des pompiers attaché à ce service, cette sécurité a dû être rendue plus complète encore grâce à quelques changemens apportés dans la disposition des toitures de l’édifice.