Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 21.djvu/655

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

accordée, la nomination de son successeur permettant, en effet, d’effectuer à ce moment le transport des collections du musée de la Marine, aux Invalides, où elles trouveraient leur place naturelle, près de collections similaires.

A côté de ces conditions de sécurité ou de convenance si intimement liées au développement ou à l’existence même de nos collections, une question de simple police mérite au plus haut degré d’attirer l’attention. Nous voulons parler de l’envahissement graduel du Louvre par la foule de vagabonds, de gens sans aveu dont les vêtemens sordides et les faces patibulaires dénotent les habitudes vicieuses bien plus encore que la pauvreté. Leur nombre a singulièrement crû en ces dernières années, et ces hôtes étranges, autrefois exclus du Musée, et dont la présence n’y est aucunement motivée par des préoccupations artistiques, sont, avec le temps, devenus de plus en plus hardis. Entrez au Louvre l’hiver, un jour de pluie ou de froid, vous serez frappé de la quantité de ces loqueteux qui accaparent tous les divans, ou bien, debout, serrés les uns contre les autres au-dessus des bouches de chaleur, se délectent des tièdes effluves qui, après avoir traversé leurs haillons, exhalent dans les galeries des miasmes pernicieux. L’un d’eux quitte-t-il la place, un autre de ses compagnons s’empresse de la prendre. Le moyen d’ailleurs que des visiteurs ou des visiteuses tant soit peu convenables affrontent, s’ils sont fatigués, pareils voisinages, dangereux à tous les égards. Ceux de ces jolis messieurs qui n’ont pas trouvé de sièges vacans, entourent les copistes d’un cercle compact, et ces derniers sont à chaque instant obligés d’interpeller les fâcheux qui leur masquent la vue de leurs modèles et échangent entre eux des propos plus ou moins cyniques. Et si, de hasard, quand ces intrus deviennent trop impudens, les gardiens essaient de les rappeler à l’ordre, de quel air ils accueillent leurs observations ! Les éclats de voix, les gros mots, — nous pouvons en témoigner, — obligent parfois ceux-ci à la retraite, impuissans qu’ils sont à se faire obéir, car ils craignent une affaire, et avec ces insurgés qui sont des électeurs, ils ne savent que trop les conséquences qu’elle pourrait avoir pour eux-mêmes. Est-ce donc pour une telle clientèle que le Louvre est fait et qu’au détriment des visiteurs et des artistes peu soucieux de contacts aussi suspects et de débats toujours compromettans, ces malpropres personnages soient désormais chez eux, dans notre Musée national, pour y