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peine à comprendre que les représentans des États catholiques ne trouvent pas auprès du Vatican le même accueil que les souverains protestans, que le roi d’Angleterre ou que l’empereur d’Allemagne. Le Souverain Pontife ne négocie-t-il pas d’ailleurs lui-même avec le roi d’Italie ? Hier encore, à Bologne, c’est-à-dire, dans la grande ville, après Rome, des anciens États pontificaux, l’archevêque Svampa, cardinal et prince de l’Église, n’offrait-il pas ses hommages à Victor-Emmanuel III ? Le lui défendait-on de Rome ? ou ne le lui permettait-on pas, si même il n’en avait reçu l’ordre ? et puisque le Saint-Siège reconnaît ainsi qu’il y a pour lui des intérêts catholiques supérieurs à la revendication de son ancien pouvoir temporel, la France ou l’Autriche, l’Espagne ou le Portugal, et généralement tous les États catholiques n’en ont-ils pas, eux aussi, de toute nature ? et pourquoi feraient-ils à un principe théorique ou idéal, dont ils sont bien déterminés à ne pas essayer d’entreprendre la réalisation, des sacrifices que le Saint-Siège n’y fait pas ?

Les journaux pontificaux, à cette occasion, ont cru devoir ou pouvoir parler de la question de l’Alsace-Lorraine. Nous croyons pouvoir affirmer que, si un souverain ami ou allié rendait visite à l’empereur d’Allemagne dans les villes de Strasbourg ou de Metz, l’opinion publique en pourrait être chez nous profondément émue, et nos journaux jetteraient feux et flammes, mais le gouvernement de la République se garderait de protester en forme officielle et publique. Mais puisque personne ne peut faire que le roi d’Italie ne soit le roi d’Italie ; que la France n’ait avec l’Italie des intérêts communs, et sans doute qu’elle ait le droit, et son gouvernement le devoir de veiller à ces intérêts, la protestation pontificale était pour le moins inopportune dans les circonstances présentes ; et il était naturel qu’avant que le gouvernement français l’eût vue divulguée dans les journaux, il l’eût déclarée « nulle et non avenue. » Et les choses, selon toute apparence, en seraient demeurées là si la protestation, nous ne savons et nous ne nous soucions pas de savoir grâce à l’intermédiaire de qui, n’eût été portée à la connaissance du public par M. Jaurès, dans son journal l’Humanité.

On a tout dit, depuis huit jours, sur les termes eux-mêmes du document, et il a paru tout d’abord qu’ils aggravaient ce que le sentiment national avait trouvé d’offensant dans le fait même de la protestation. On s’est peut-être un peu pressé ! À la vérité, la protestation n’est pas rédigée avec la mesure et, si nous l’osons dire, l’habituelle courtoisie qui caractérise les pièces émanées de la chancellerie