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communication officielle ; il en avait délibéré ; il y avait répondu, et il avait jugé n’avoir pas à faire davantage. Depuis lors, sans doute, la note avait été publiée ; mais cela n’en changeait ni le caractère, ni la portée. Si la publication avait eu lieu par le fait du gouvernement pontifical, on aurait été fondé à y voir une intention désobligeante et même agressive à notre égard. En a-t-il été ainsi ? Non, certainement. Lorsqu’on a recherché d’où avait pu venir l’indiscrétion commise, les soupçons se sont portés tantôt sur un point, tantôt sur un autre, mais, à aucun moment, ils n’ont effleuré le Vatican. On s’est demandé à qui la divulgation avait pu être utile ; et ce n’était pas plus au Pape qu’à nous. Ce à quoi on n’a pas assez réfléchi, c’est qu’en agissant comme on l’a fait alors, c’est-à-dire en soulevant un conflit entre le Saint-Siège et la République, on entrait étourdiment dans les intentions de ceux qui avaient livré la pièce aux socialistes, et ne l’avaient pas fait dans une pensée bienveillante pour nous. Quant aux socialistes, et en particulier à M. Jaurès qui a publié le document, ils ont une telle habitude de subordonner les intérêts de notre politique au dehors à ceux de leur parti au dedans qu’il n’y a pas lieu de s’étonner de leur conduite.

Comment donc le ministère, au premier moment, a-t-il expliqué sa volte-face ? Il s’est aperçu qu’il y avait dans le texte communiqué aux autres puissances une phrase qui n’était pas dans le sien, et il a dit, ou plutôt il a fait dire par ses journaux que cette phrase changeait tout ! Quelle était donc cette phrase criminelle ? La curie romaine, disait-on, l’a écrite en cachette aux autres gouvernemens catholiques ; elle n’aurait jamais osé l’adresser à la France. Intolérable procédé envers nous ! Injure nouvelle et supérieure à toutes les autres ! Défaillance sans excuse de notre part si nous y restions insensibles ! Et pourtant le Pape, dans cette phrase, se contentait de dire : « Si, malgré cela (le voyage de M. Loubet à Rome) le nonce pontifical est resté à Paris, cela est dû uniquement à de très graves motifs d’ordre et de nature en tout point spéciaux. » Qu’y avait-il là de si coupable ? ou plutôt, pour peu qu’on aille au fond des choses et qu’on cherche la véritable pensée du Saint-Père à travers des termes qui ne la traduisent peut-être pas très bien, qu’y avait-il là qui ne fût parfaitement innocent ?

La véritable pensée du Saint-Père ressort logiquement de l’intention dans laquelle il a écrit sa note. Il se proposait d’empêcher les souverains catholiques de venir à Rome, et devait dès lors les mettre en face des conséquences auxquelles ils s’exposeraient s’ils passaient