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garnissage acide, — du convertisseur, par un garnissage basique de chaux magnésifère, obtenue en calcinant de la dolomite (combinaison de carbonate de chaux et de carbonate de magnésie) ; 2° si, avant ou pendant la décarburation, on verse dans le convertisseur une quantité suffisante de chaux. Il est évident, d’ailleurs, d’après ce que nous venons de dire sur le rôle du silicium, que les fontes ainsi traitées doivent être aussi peu silicifères que possible (fontes Thomas). Le problème de la déphosphoration des aciers était enfin résolu.

Aussi, minerais purs et impurs étant, désormais, également exploitables, le Bessemer prit un essor inouï. Non seulement le triomphe de l’acier sur le fer forgé continua à s’accentuer, — depuis 1885, en France, on ne fabrique plus de rails en fer, — mais, en outre, comme, grâce au développement des moyens de transport, le prix du minerai est aujourd’hui devenu le principal facteur de l’économie de la fabrication, on commença, sur le continent, l’exploitation des riches gisemens phosphoreux, jusqu’alors un peu délaissés, qu’offrent en abondance la Lorraine, le Luxembourg, la Westphalie, etc. En ce qui nous concerne, cette exploitation fut le signal d’une profonde transformation économique : les grandes aciéries se transportèrent dans le bassin de la Moselle, à Longwy, Jœuf, Homécourt, Frouard, Neuves-Maisons, etc., et la plupart des hauts fourneaux du Centre, mal approvisionnés en combustible et en minerai, durent éteindre leurs feux : le Creusot lui-même, depuis qu’il a établi ses hauts fourneaux à Cette, est devenu une usine de construction. Seules, sont restées en place les aciéries qui, comme celles d’Isbergues, Anzin, Trignac, Pauillac, Saint-Louis-du-Rhône, etc., ont une situation géographique qui leur permet de recevoir à bon marché du minerai pur et du charbon.

Si l’on considère, maintenant, qu’avant Bessemer l’industrie de l’acier était, pour ainsi dire, une industrie de luxé et qu’aujourd’hui le chiffre de sa fabrication annuelle s’élève à des dizaines de millions de tonnes, on voit que le mot de « révolution, » employé plus haut à propos du procédé de l’éminent ingénieur anglais, n’avait rien d’exagéré et qu’à cette géniale invention est due, certainement, la transformation la plus radicale qu’ait éprouvée la sidérurgie depuis ses plus lointaines origines. On l’a dit avec raison, et le mot est à retenir : « A l’âge du fer, Bessemer a fait succéder celui de l’acier. »