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il faut attendre que l’expérience ait prononcé. Certains métallurgistes, cependant, affirment, d’ores et déjà, qu’elle s’élèvera à 300 kilogrammes par tonne de fonte. S’il en était ainsi, la production d’une tonne de ce métal n’exigeant plus que 700 kilogrammes de coke au lieu de 1 000, la sidérurgie actuelle serait bien près, si l’on tient compte des pertes de chaleur inévitables, de réaliser le rêve d’obtenir la fonte avec le minimum de combustible de 630 kilogrammes, donné plus haut. En tout cas, cette industrie, il est bon de le retenir, va être, désormais, à peu près débarrassée de l’attirail encombrant des machines à vapeur.

Ainsi, une transformation radicale est en train de s’accomplir dans la métallurgie du fer et, sans aller jusqu’à affirmer que « les hauts fourneaux ne seront plus, un jour, que des gazogènes avec la fonte comme sous-produit, » on peut, d’ores et déjà, prédire que cette transformation aura certainement pour effet d’abaisser de 7 à 8 francs le prix de la tonne de fonte et de ses dérivés, le fer et l’acier : résultat considérable, victoire éclatante pour le cheval-houille noire ! Et, dès lors, quelle conclusion définitive tirer de tout ce qui précède ? C’est que, — comme nous l’avons déjà dit et comme nous n’hésitons pas à le répéter, — l’électrométallurgie, et même l’électrosidérurgie, voient de plus en plus leur triomphe, en tant que grandes et mondiales industries, s’éloigner et se perdre dans les brumes d’un avenir lointain… jusqu’à l’époque fatale où, les réserves d’énergie accumulées dans la houille noire étant épuisées, force sera, à moins de découvertes imprévues, de recourir au stock, — inépuisable, — de la houille blanche. Alors sera terminée une nouvelle phase évolutive ; alors aussi, sans doute, s’accomplira un nouvel exode de la métallurgie : chassée des plaines, obligée de remplacer ses fourneaux par des machines électriques, on la verra, escortée de toutes les industries qui, comme elle, se nourrissaient de houille noire, aller chercher de l’énergie auprès des chutes d’eau et « revenir demander une nouvelle vie aux montagnes qui furent son berceau. »


P. BANET-RIVET