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REVUE LITTÉRAIRE

LE CENTENAIRE DE GEORGE SAND

On s’apprête à fêter le centenaire de George Sand. Ce sera un hommage, et quelque chose de plus encore : une réparation. Car il faut avouer que nous avons, à l’égard de la bonne fée du roman contemporain, une singulière façon d’acquitter la dette de reconnaissance contractée vis-à-vis de tout grand écrivain. Je ne sache pas que, dans ces dix dernières années, on ait consacré à George Sand un travail de quelque importance, destiné à remettre son œuvre dans son jour, et à en raviver pour nous les couleurs. En revanche, on en est à ne plus compter les publications relatives aux aventures de la baronne Dudevant et surtout au plus célèbre épisode de son odyssée sentimentale. Il est curieux, quand on y songe, qu’il y ait une « question George Sand » et que cette question, qui passionne les badauds et les sépare en deux camps ennemis et irréconciliables, consiste à savoir lequel des « amans de Venise » a eu les premiers torts. Était-ce la peine d’avoir, aussi soigneusement que l’a fait George Sand, établi la démarcation entre la part de sa vie qu’elle abandonnait aux orages du cœur ou aux entraînemens des sens, et celle qu’elle réservait à son travail paisible, patient et régulier de bon ouvrier appliqué à sa tâche ? Et était-ce la peine d’avoir donné au public une centaine de volumes, parmi lesquels il n’en est presque pas un d’indifférent, si l’on y signalerait aisément dix chefs-d’œuvre ? Laissons donc aux amateurs de scandale le soin d’épiloguer sur les nouvelles « révélations » qui nous arrivent de Bruxelles, et, pour notre part, ne nous adressons qu’aux amateurs de littérature. Tenons-nous en garde contre ces indiscrètes curiosités, qui ne changent pas de caractère,