et leur rôle devrait se borner à prêter main-forte aux agens du fisc.
Ce malencontreux projet, si simple en apparence, qui devait apporter au Trésor un supplément de ressources et introduire au Maroc le règne de la justice, témoignait d’une prodigieuse inexpérience ; il contenait en lui-même le bouleversement du makhzen et les germes de la présente agitation ; — de fait, il n’était pas un Marocain qu’il n’atteignît dans ses croyances ou dans ses intérêts. La plupart des tribus soumises, qui en eussent pu éprouver quelque soulagement, y virent surtout une atteinte à leurs convictions religieuses par la suppression des impôts coraniques, et elles se méfièrent d’une suggestion étrangère ; cela suffit pour agiter la montagne et y faire prêcher la guerre sainte contre le sultan réprouvé. Dans la plaine, les tribus se sentirent plus dégagées à l’égard de leurs caïds, dont les attributions fiscales constituaient naguère le revenu principal et la principale autorité ; si bien que les caïds, ainsi réduits à la portion congrue, se virent privés de l’influence dont ils se servaient à la fois pour piller leurs administrés et soutenir le makhzen. Les privilégiés s’indignèrent. A quoi bon désormais appartenir à une tribu de guich, et vouer, de père en fils, sa vie à la défense du makhzen, si l’on avait à payer les taxes comme une simple tribu naïba ? Les chorfa, soumis à l’impôt comme le commun des mortels, ressentirent cette offense faite au sang du Prophète et mirent plus de négligence à concilier les tribus au profit d’un gouvernement aussi mal élevé. Tous les fonctionnaires, — caïds et oumana, les vizirs eux-mêmes, — envisagèrent avec répugnance un régime qui leur attribuait des salaires mesquins et tarissait leurs anciennes sources de richesses. Du reste, les ressources du Trésor étaient trop faibles pour assurer des appointemens convenables à tous les employés du makhzen ; le trouble financier se trouva encore accru par le fait que, l’ancien système ayant été abrogé avant que le nouveau eût pris sa forme définitive, les tribus ont, depuis deux ans, cessé de payer tout impôt. Le tertib avait donc eu, comme résultat immédiat, de fausser les ressorts constitutifs du makhzen, d’en détruire le système financier, et de provoquer une agitation qui démontrait l’insuffisance de son système militaire.
Or, une crise aussi grave a pu être abordée par un makhzen qui était, depuis nombre d’années, en transformation et que le