Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 22.djvu/104

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Afrique, dans les îles de la Corse, à Kaer Brythwch, à Brythach et à Nerthach ; j’étais là, lorsque tu tuas la famille de Cleis, fils de Merin, lorsque tu tuas Mil Du, fils de Ducum ; j’étais avec toi, quand tu conquis la Grèce en Orient ; j’ai été à Kaer Oeth et à Anoeth ; j’ai été à Kaer Nevenhyr ; nous avons vu là neuf rois puissans, de beaux hommes. Eh bien ! je n’ai jamais vu personne d’aussi noble que celui qui est à la porte d’entrée en ce moment !


On comprend qu’Arthur ne fasse pas languir un tel visiteur.


— Si tu es venu au pas, retourne en courant ! Que tous ceux qui voient la lumière, qui ouvrent les yeux et les ferment, soient ses esclaves !… C’est pitié de laisser sous la pluie et le vent un homme comme celui dont tu parles.


Kulhwch est donc introduit. L’étiquette veut que l’on descende de selle sur le montoir de pierre placé près de la porte. Mais Kulhwch a décidément le mépris de toute étiquette, et c’est à cheval qu’il fait son apparition. La scène est largement traitée.


KULHWCH. — Salut, chef suprême de cette île ! Salut, aussi bien en haut qu’en bas de cette maison, à tes hôtes, à ta suite, à tes capitaines ! Que chacun reçoive ce salut aussi complet que je l’ai adressé à toi-même. Puissent ta prospérité, ta gloire et ta considération être au comble par toute cette île !

ARTHUR. — Salut aussi à toi !… Assieds-toi entre deux de mes guerriers. On t’offrira les distractions de la musique et tu seras traité comme un prince… futur héritier d’un trône, tant que tu seras ici. Quand je partagerai mes dons entre mes hôtes et les gens de loin, c’est en ta main que je commencerai dans cette cour à les déposer.

KULHWCH. — Je ne suis pas venu ici… pour gaspiller nourriture et boisson. Si j’obtiens le présent que je désire, je saurai le reconnaître et le célébrer ; sinon, je porterai ton déshonneur aussi loin qu’est allée ta renommée, — aux quatre coins du monde.

ARTHUR. — Puisque tu ne veux pas séjourner ici, tu auras le présent qu’indiqueront ta tête et ta langue, aussi loin que sèche le vent, que mouille la pluie, que tourne le soleil, qu’étreint la mer, que s’étend la terre, — à l’exception de Kaledvwich, mon épée ; de Rongomyant, ma lance ; de Gwyneb Gwrthucher, mon bouclier ; de Karnwenhan, mon couteau ; et de Gwenhwyvar, ma femme. J’en prends Dieu à témoin, je te le donnerai avec plaisir. Indique ce que tu voudras.

KULHWCH. — Je veux que tu mettes en ordre ma chevelure.

ARTHUR. — Je le ferai.


Prier quelqu’un de vous arranger les cheveux était, paraît-il en ces temps-là, une façon de lui faire entendre qu’on était de sa parenté. Séance tenante, Arthur prend un peigne d’or, des