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un an ou deux pour me refaire. Si je puis être de l’Académie, avec le peu que j’aurai de ma pauvre mère, je quitterai un jour Paris, je serai riche en Suisse, j’y vieillirai en face de vos montagnes et vous me les montrerez en silence bleues et mornes comme ce certain soir que vous savez. Voilà mes pensées. Mais j’ai besoin des vôtres, de savoir l’état de Mme Olivier ; dites-moi où elle en est. Je lui écrirai dans peu de jours, mais je voudrais auparavant une réponse de vous.

« J’ai écrit à M. Diodati, dont j’ai lu l’article si bienveillant sur moi.

« A vous de cœur et à tous les vôtres, cher Olivier, »


Mercredi, 2 septembre.

« Cher ami,

« Je reçois votre lettre, non pas au réveil, bien que ce soit tout au matin ; enfin voilà, j’espère, un accouchement heureux et les suites aussi le seront, tout me le dit : les préambules se sont trop bien passés. Or çà, quel clan des Olivier, quelle milice helvétique vous allez faire ! Comment nommerai-je celui-ci ? Charles, je crois : car Mme Olivier s’appelle Caroline. Pour moi, Charles-Augustin. Merci d’avoir si bien compris mon offre du cœur[1].

« Quels beaux vers ! mais en confidence, cher matois, ils sont de vous, car vous avez le burin aussi. Je voudrais fend le ciel en courroux, au lieu de l’espace. Garderez-vous donc Mickiewicz ? Je croyais la bataille perdue. C’est bien plus beau de regagner une bataille perdue que de la gagner tout d’abord. Qu’a répondu Mickiewicz ? Car, aux poètes comme aux femmes, il faut donner les vers qu’on fait pour eux.

« M. Ruchet n’était pas encore conseiller d’Etat à la dernière lettre de Mme Olivier. L’y voilà ; à la bonne heure ! Tôt ou tard, il faut quitter la chasse au chamois.

« Ma Mazarine, c’est 4 000 francs par an, plus un logement dans les bâtimens de l’Institut. Je n’aurai guère ce logement que dans cinq ou six mois. Le directeur est M. de Féletz, ancien rédacteur des Débats. Sous son administration de confrère, sont ex aequo en pouvoir, mais non en appointemens, cinq conservateurs, un abbé Guillon, qui a quatre-vingts ans passés et n’y paraît plus, Sacy, des Débats, Chasles, un M. Pignollet, et moi. Sacy et moi,

  1. Sainte-Beuve avait demandé à être le parrain du troisième fils de Juste Olivier.