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tables rases plusieurs fois répétées, à la suite desquelles de nouveaux efforts ont amené une nouvelle création, et une création toujours plus nombreuse, toujours plus parfaite, que celle qui a précédé. »

Il importe de remarquer que ce point de vue ne resta pas relatif exclusivement à l’histoire des phénomènes biologiques : on l’étendit, par la force des choses, aux manifestations de tous genres de l’activité géologique. On reconnut à chaque époque un ensemble de traits correspondant à ceux des époques différentes et à ceux de l’époque actuelle en particulier.

Ainsi pour chacune de ces coupures de l’histoire de la terre, on admit qu’il y a eu des mers et des continens, des montagnes et des éruptions de roches, des démolitions et dés édifications de terrains, etc. Seulement, on fit encore ici une distinction imprévue et dont la singularité mérite d’être signalée.

On posa en fait que les moyens par lesquels la nature avait accompli ces travaux dans les temps géologiques diffèrent par leur essence des procédés qu’elle met en œuvre sous nos yeux. Cette distinction est étrange, et c’est une question de savoir si on a jamais remarqué qu’elle constitue au propre une faute injustifiable de raisonnement.

En effet, Cuvier, l’illustre chef du cataclysmisme. qui insiste sur l’énergie comparative des actions anciennes, est le même qui reconstitue les anciennes faunes. Il ne pense pas un instant à attribuer aux animaux éteints une autre physiologie qu’aux animaux d’à présent et même, dans une série de circonstances, il s’attache à montrer que, malgré leur antiquité, les bêtes fossiles devaient avoir des analogies de mœurs et de manière d’être avec les membres de la faune actuelle. Or, comment concilier deux conclusions si différentes et concevoir des êtres si ressemblans dans des milieux si différens ? On dirait qu’on n’a jamais pensé à ce contraste et, dans tous les cas, personne ne s’y est arrêté.

Quoi qu’il en soit, voici, par la force des observations directes, chaque période mise en possession de tout l’ensemble des mécanismes en fonction sous nos yeux, et c’est ainsi que prend position, en face de la doctrine de Cuvier, l’Ecole dite actualiste, dont le vrai fondateur est notre compatriote Constant Prévost, bien qu’on soit plus généralement porté à en faire honneur à l’Anglais Charles Lyeil.