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Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 22.djvu/342

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l’après-midi. Pour que la réponse de Napoléon fût rendue à Prague dans la journée du 10, avant minuit, il aurait fallu qu’elle partît de Dresde le 9 au soir. Il répugnait à Napoléon de capituler, devant le sablier qui s’écoule, devant les bougies qui se consument, ainsi qu’en des enchères politiques. C’était chez lui une sorte de maxime d’Etat, de ne point expédier les dépêches, l’encre encore humide. Il dicta deux notes pour Caulaincourt, l’une fort restreinte, l’autre à découvrir en cas de refus de la première ; elle portait : dissolution du duché de Varsovie, cession de 500 000 âmes au roi de Saxe, Dantzig à la Prusse, l’Illyrie à l’Autriche, intégrité au Danemark[1]. Cette dépêche ne partit que le 10 ; mais un courrier expédié le 9 au soir par Bubna, demeuré à Dresde, en fit pressentir le contenu.

Metternich, quand il en reçut la nouvelle, dut s’applaudir d’avoir aggravé l’ultimatum. La journée du 10 se passa sans que le courrier de Caulaincourt fût signalé. Anstett et Humboldt se tenaient aux aguets, la montre à la main. A minuit sonnant, ils notifièrent à Metternich que leurs pouvoirs étaient expirés, Metternich déclara le Congrès dissous, et, une heure après, Humboldt écrivit à Hardenberg : « Nos vœux sont remplis, mon cher baron, ce que nous avons négocié depuis le 4 janvier est obtenu. La guerre est déclarée par l’Autriche à la France. » Maret écrivit, par un second courrier, que Napoléon cédait sur la reconstitution de la Prusse, sur la Confédération du Rhin, sur la 32e division militaire, sauf Hambourg et Lubeck. Metternich répondit qu’il était trop tard. Caulaincourt quitta Prague le 16, emportant la conviction qu’un mot, un oui de Napoléon, prononcé à temps, aurait décidé la paix. Paris le crut, et l’on verra que cette persuasion ne fut pas sans conséquence dans les négociations qui suivirent.


VI

Napoléon livra bataille le 26 et le 27 août, devant Dresde. Ce fut sa dernière grande journée, mais une journée sans lendemain. La victoire était encore à lui, les effets de la victoire lui échappaient. Cette bataille gagnée par lui, ses lieutenans la perdirent en détail. Il y eut trois jours, du 28 au 30 août, qui

  1. Maret à Caulaincourt, 10 août 1813.