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extérieure et étrangère, il convient qu’elle reste bien distincte de la nation, entièrement aux mains de ceux qui dirigent cette politique.

La guerre du Transvaal en fournit une preuve éclatante. Une des causes qui ont permis à la nation anglaise de supporter, avec une fermeté vraiment admirable, les revers de cette désastreuse campagne, est certainement que l’armée qui les subissait était, — au début du moins, — une caste bien à part du reste de la nation. Composée de volontaires, la plupart engagés depuis longtemps, souvent contre la volonté de leurs parens, ou par ces parens eux-mêmes pour s’en débarrasser, elle n’avait pas un rapport aussi étroit, aussi intime avec la nation que le peuvent avoir nos armées issues du service personnel obligatoire pour tous. Les racines ne plongeaient pas aussi avant dans les entrailles de la nation.

Tout au contraire, la Suisse n’a aucune action extérieure à exercer ; il est tout naturel qu’elle n’ait aucunement songé à cette éventualité. Elle est l’objet des convoitises de voisins puissans, elle le sait ; jusqu’alors, ces convoitises se sont neutralisées les unes par les autres, mais cet équilibre peut être rompu, elle le sait également. Ce qu’elle a à craindre, c’est une agression, et c’est cette agression qu’il faut pouvoir repousser. La nature du pays, le caractère des habitans, leurs aptitudes physiques, tout concourt à donner aux milices suisses, pour cette attitude défensive, une valeur exceptionnelle. Il est donc logique que la Suisse se soit bornée à assurer la défense de son territoire par l’organisation d’une milice nationale aussi solide que possible.

Dans tous les autres pays d’Europe, les armées sont organisées sur un type intermédiaire qui, selon les cas, se rapproche plus ou moins de l’un des deux types que nous avons caractérisés.

En France, notre législation change pour la troisième fois depuis trente ans. La loi de 1872, — issue de la guerre contre l’Allemagne, — s’éloignait déjà sensiblement de la conception primitive qui avait servi de base à la loi de 1832 ; toutefois, en consacrant la répartition du contingent en deux portions, servant l’une cinq ans et l’autre une année, cette loi avait visiblement la pensée de rapprocher l’armée nouvelle autant que possible du type de l’ancienne armée. Elle cherchait à la concilier du mieux possible avec les nécessités modernes, c’est-à-dire le service