objet de 30 000 écus. Lorenzino se flattait toujours de l’espérance qu’Alexandre le lui ferait gagner. Mais Cosme, heureusement conseillé, s’en vint à Naples sur ces entrefaites ; il attesta à l’Empereur que les Florentins ne voulaient point un autre Seigneur qu’Alexandre. Celui-ci le récompensa incontinent de cette démarche essentielle au succès de sa cause, en dictant au juge un arrêt qui déboutait Lorenzino.
Or, Alexandre portait toujours un jaque en mailles d’acier à l’épreuve du couteau : comme il changeait de vêtement, il mit ce jaque sur son lit et ne le retrouva plus quand il le voulut reprendre. Lorenzino avait enlevé ce jaque et l’avait jeté dans un puits. L’insouciant Alexandre n’y prit garde, malgré les dénonciations et les avertissemens les plus catégoriques. Il rit des terreurs que son entourage pensait lui donner. Il laissa Lorenzino, — ce lâche poète ! — regagner Florence, et y arriver en paix le 11 mars 1536. Il lui avait commandé d’y régler les divertissemens de ses noces. Lorenzino avait convenu avec lui d’écrire une comédie de circonstance, qu’il lui restait à peine plus d’un mois pour composer et pour mettre en scène, Charles-Quint devant faire son entrée à Florence, avec sa fille, le 28 avril ; et tout fut prêt pour cet événement. Sous le titre d’Aridosia, Lorenzino improvisa quasiment un chef-d’œuvre, moins inspiré de Térence et de Plaute que l’Avare de Molière ne le sera de cette Aridosia. Une triple intrigue amoureuse, dénouée par un triple mariage ; deux types opposés de pères, l’un bonhomme, à la bourse largement ouverte comme l’intelligence et le cœur, l’autre (Aridosio), qui est proprement tout notre Harpagon, et Molière le copiera sans y ajouter un trait vraiment neuf ; un valet adroit, complaisant à son jeune maître et aux frères de celui-ci, mais sans friponnerie grotesque ni outrée ; signe particulier : point de personnages féminins, hormis une brève et aimable apparition d’esclave bien née ; un style ferme, alerte, gai sans trivialité, élégant sans préciosité ; — et rien de tout cela ne nous importe, en définitive, autant que les à-côté de la pièce, sa mise en scène d’abord, son argument ou prologue ensuite, quelques allusions enfin, qui lardonnent çà et là le dialogue à l’intention d’Alexandre. Lorenzino avait à construire un théâtre ; il en conçut l’échafaudage de telle sorte que la scène ne pouvait manquer de s’écrouler sur le duc, en écrasant avec lui l’Empereur, sa fille, et quelque trois cents de leurs