Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 22.djvu/446

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Hélas ! beau papillon avide de rosée,
Ton aile, en tremblant, s’est brisée !
Dans la poussière d’or elle saigne sans bruit,
Et la rose ta sœur, compagne des murmures,
Laisse des gouttes d’eau tomber sur tes blessures,
Et soupire au fond de la nuit !

Dans le pâle corset du lys à tige verte,
Tu glissais ton aile entr’ouverte,
Enivré de senteurs, tu buvais à longs traits.
Le miel doux et sucré de sa blanche corolle,
Et quand, la lune d’or levait son aile molle,
Tu venais te baigner dans les ruisseaux nacrés.

Adieu les frais matins et les larges prairies,
La Naïade aux tempes fleuries
Que tu frôlais léger, dans ton vol velouté ;
Les roseaux endormis des rivières profondes,
Et sur le bleu du ciel les grandes meules blondes,
L’air rose des aubes d’été !…

Et quand tu palpitais, inquiet comme une ombre,
Sur un mur à blanche pénombre,
Et heurtant le cristal des flambeaux alourdis,
Sur son lit transparent de dentelle et de voiles,
Tu voyais une nymphe aux paupières d’étoiles
Rêver à quelque paradis !

Mais ton aile aux buissons, transparente et pourprée,
Délicate, s’est déchirée…
Et sur le sillon vert tu tombas pâle et mort.
Et la rose ta sœur, penchée avec la branche,
Laissa tomber du bord de sa corolle blanche,
Des gouttes sur ton aile d’or.


CHANT D’AURORE


Ma Muse, levez-vous ! Voici le clair matin !
Entr’ouvrez aux chansons vos lèvres demi-closes,
Au fond des bois, dessous les chênes grandioses,
La biche fuit, parmi la rosée et le thym.