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prétexte du talent et de la renommée de M. d’Annunzio pour proclamer, après lui, la déchéance de l’esprit chrétien, au profit d’un néopaganisme assez pauvrement adapté de Zarathoustra. « La Fille de Jorio, écrivait hier l’un d’entre eux, n’est réellement plus l’œuvre de l’artiste qui nous a offert la Gloire, la Ville Morte, Françoise de Rimini. Mais M. d’Annunzio croyait alors que le public goûterait le Grand Art ; et, puisqu’il s’est aperçu qu’il s’était trompé, il se donne maintenant à l’Art Petit. » La quantité de l’art mis par M. d’Annunzio dans sa pièce nouvelle, cependant, n’a certes rien qui motive la défaveur de ces jeunes « païens ; » mais ils sentent que le poète du Triomphe de la Mort a, cette fois, employé son art au service de cette « morale d’esclave, » qui est la chose au monde qu’ils redoutent le plus. Reste à savoir maintenant si M. d’Annunzio se laissera arrêter par leurs remontrances, ou si, poursuivant la voie nouvelle où il vient d’entrer, il voudra achever de donner à l’Italie la grande œuvre nationale qu’a donnée à l’Allemagne le génie bienfaisant de son maître Wagner : une œuvre où il fixera ce qu’il y a de plus profond, et de plus intime, et de plus beau, à la fois dans la pensée et dans le cœur de sa race.


T. DE WYZEWA.