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dans votre imagination, et M. Millerand n’y a pas joué le rôle de traître. Il avait bien raison de ne pas vouloir qu’on parlât de M. Chabert, puisque découvrir M. Chabert, c’était découvrir M. Mascuraud, qui a tant d’intérêt à rester dans l’ombre et qui n’en fait que plus de besogne. En dénonçant à tort et à travers, afin de pouvoir monter au Capitule en compagnie de votre fils, vous avez fait une mauvaise politique, et même une mauvaise action. Que la responsabilité en retombe sur vous ! — Voilà ce qu’a dit la Commission, en d’autres termes, mais tout aussi nettement. Qu’en sortira-t-il ? On le saura bientôt, puisque la Commission invite la Chambre à s’associer à cinq projets de résolution qui comprennent tout ce que nous venons de dire. La Commission a fait son devoir en conscience, tel qu’elle l’a compris. La Chambre fera-t-elle le sien ? Dira-t-elle ce qu’elle pense vraiment ? Déterminera-t-elle les responsabilités des uns et des autres ? Nous ne serions pas surpris qu’elle se contentât de renvoyer ses dossiers au ministre de la Justice à toute fin utile, et de condamner les Chartreux.


Alors, M. Combes restera à la tête du gouvernement pendant les vacances. Il appliquera en personne la loi sur la suppression de l’enseignement congréganiste, qui vient d’être votée par le Sénat dans les termes mêmes où elle l’avait été par la Chambre, et qui a été tout aussitôt promulguée. C’est à cette loi, on le sait, qu’il a attaché politiquement l’honneur de son nom. Au milieu des attaques dont il a été l’objet, il a dit à la fois fièrement et mélancoliquement à la Chambre : — Attendez que cette loi soit votée ; après cela, je céderai mon portefeuille à qui le voudra. — Elle est votée, mais il reste à l’appliquer. M. Combes n’a peut-être pas la prétention de se maintenir au pouvoir jusqu’au terme de dix ans qui a été fixé pour son application intégrale : mais tout est prêt pour un premier massacre d’établissemens libres, il tient à y présider lui-même, et la gloire lui en appartient en effet. Qui sait si la main d’un autre ne tremblerait pas au moment d’agir, tandis qu’il est sûr de la sienne ? Il a déjà commencé l’opération.

La discussion de cette loi au Sénat a fait le plus grand honneur aux orateurs de la droite et du centre qui y ont pris part. Ils ont combattu avec talent, avec courage, comme s’ils espéraient vaincre, au moins sur quelques détails, le parti pris de la majorité, et sachant cependant fort bien qu’ils ne le vaincraient pas. Ce parti pris, en effet, était invincible. On voulait aboutir tout de suite et à tout prix. On a employé pour cela un procédé nouveau dans nos annales