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Constitution n’a pas été violée, l’esprit l’a été incontestablement, et par qui ? par le Sénat lui-même. Veut-on un exemple de l’inconvénient que présente cette méthode ? On se rappelle que M. Georges Leygues a fait accepter par la Chambre, malgré l’opposition du ministère, un amendement maintenant les noviciats des congrégations qui ont des maisons à l’étranger, en vue de fournir des professeurs à ces maisons. Un article de la loi décide que la liquidation des biens de la congrégation ne sera faite qu’après la clôture du dernier établissement scolaire, et les noviciats sont apparemment des établissemens scolaires. Les deux dispositions sont inconciliables, à moins qu’on ne renonce, — et nous ne demandons pas mieux, — à faire jamais la liquidation. M. Bérenger a proposé un amendement en vertu duquel la partie des biens nécessaire à l’entretien des noviciats réduits, mais pourtant conservés, serait exclue de la liquidation. Il était indispensable de le dire. On a répondu à M. Bérenger que le Conseil d’État se débrouillerait. C’est faire du Conseil d’État la seconde Chambre à la place du Sénat. C’est l’inciter à faire ce qu’il n’a pas le droit de faire. C’est le pousser à se donner des attributions que la Constitution lui dénie. On n’y regarde pas de si près aujourd’hui.


Nous espérons pourtant que le Sénat regardera d’un peu plus près la loi sur le service de deux ans, telle que la Chambre la lui renvoie après y avoir introduit un certain nombre de dispositions vraiment monstrueuses. Mais nous n’en sommes pas sûrs, ou du moins nous ne le serions pas si M. le ministre de la Guerre, qui a combattu à la Chambre avec quelque vaillance, n’avait pas annoncé sa ferme intention de recourir au Sénat pour obtenir de lui un retour au sens commun.

La Chambre, sous prétexte d’imposer à tous une égalité complète, a décidé que le temps passé par les officiers dans les écoles militaires ne compterait pas dans la durée de leur présence sous les drapeaux, et qu’ils devraient faire, comme tout le monde, deux années dans le rang. Deux ans à Saint-Cyr, deux ans dans le rang, cela fait quatre ans pour les officiers, tandis que les simples soldats n’en feront plus que deux : étrange manière de comprendre l’égalité ! On avait admis à titre de transaction que les officiers feraient une année dans le rang, ce qui pourrait être pour eux une épreuve et une initiation salutaires : mais deux, c’est trop, à coup sûr, et on aurait dû songer que le nombre des candidats aux écoles commence à diminuer d’une manière préoccupante. Ce n’est pas tout. Un amendement encore plus grave