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manuscrits, il est le seul, — je dis le seul, — qui rattache authentiqueraient les Sermons de Bourdaloue à leur auteur. Elle se fonde, en second lieu, sur cet autre fait, que Bourdaloue lui-même a désavoué la principale des éditions clandestines [Bruxelles, 4 vol. in-12, 1692], dont on oppose le texte à celui de l’édition Bretonneau. Elle se fonde, en troisième lieu, sur l’évidente impossibilité de lui préférer des « copies manuscrites » où, parmi d’autres erreurs, de toute nature, on trouve le Sermon pour la Profession de Mlle de La Vallière, attribué à M. Mascaron. Elle se fonde, en quatrième lieu, sur ce que tous les critiques, les Vinet et les Nisard, les Sainte-Beuve et les Weiss, Anatole Feugère et le Père Lauras y ont trouvé tout ce qu’il fallait pour motiver les jugemens qu’ils ont portés de l’éloquence de Bourdaloue… Et je ne désespère pas enfin qu’elle ne se fonde, en dernier lieu, l’autorité de ce texte, sur ce que je viens d’en dire, et sur le parti que je me propose d’en tirer en parlant à mon tour de l’éloquence de Bourdaloue.


II

Voltaire a écrit, dans son Siècle de Louis XIV, qu’aussitôt que « Bourdaloue eut paru dans les chaires de Paris, Bossu et ne passa plus pour le premier prédicateur de son temps ; » et Voltaire a eu parfaitement raison. Il a seulement omis de faire observer qu’il n’y avait, à première vue, rien de plus facile à expliquer, si Bossuet a cessé de prêcher dans l’année même, 1669, où Bourdaloue a paru dans les chaires de Paris. Bossuet, nommé précepteur du Dauphin en 1669, n’a plus paru dans les chaires de Paris qu’à de rares intervalles, et dans des occasions particulières ou solennelles, pour prononcer ses Oraisons funèbres, 1669-1687, son Sermon pour la Profession de Mlle de La Vallière, 1674, ou son Sermon sur l’Unité de l’Église, 1681. Mais ce qui est certain, — et sauf à revenir sur la comparaison, — c’est que le succès de la prédication de Bourdaloue a été prodigieux, sans exemple avant lui, sans analogue depuis lui, dans la chaire chrétienne, en France ; et qu’il s’est soutenu trente-quatre ans. Le dernier Sermon de Bourdaloue, pour une vêture, a été prononcé douze jours avant sa mort, le 1er mai 1704, dans l’église des Carmélites de la rue Saint-Jacques.

Deux voix seulement détonnent dans ce concert d’éloges