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avec les Boxeurs, le prince King, rival du prince Tuan, le vieux Li-Hung-Chang, qui, de Canton, tentait depuis longtemps, avec l’approbation de l’Impératrice, d’amorcer avec les Européens des négociations pacificatrices. Par une fiction nécessaire, on aurait pu considérer l’Impératrice comme une victime de l’insurrection et admettre que les encouragemens qu’elle avait elle-même donnés à la Révolution, lui avaient été extorqués par la terreur. La supposition était d’autant plus permise que, la veille même de l’entrée des alliés, deux membres du Tsong-li-Yamen avaient été exécutés pour avoir désapprouvé les violences envers les ministres étrangers et que, d’autre part, toute la vraie Chine chinoise, celle du Yang-Tse et celle de Canton, n’avait pris aucune part au mouvement insurrectionnel. Cette fiction permettait, aussitôt les assiégés délivrés et la sécurité des étrangers assurée, d’arrêter tout envoi de troupes, d’évacuer la capitale, d’en faire sortir les ministres et les soldats, à l’exception du petit nombre nécessaire pour maintenir l’ordre dans la ville, et d’inviter formellement l’Empereur et l’Impératrice à rentrer dans leur capitale pacifiée et dans leur palais intact. Au lieu d’apparaître aux Chinois comme des ennemis altérés de vengeance, plus dangereux pour la Chine et son empereur que les Boxeurs eux-mêmes, les corps de troupes étrangères auraient pris le seul rôle qui leur convînt, celui de défenseurs de l’ordre, de gardiens de l’intégrité de l’Empire et de protecteurs de la dynastie. Rassurés, l’Empereur et l’Impératrice seraient certainement revenus : avant de s’enfuir à Si-Ngan-Fou et on se serait trouvé, quelques semaines après la prise de Pékin, en présence d’un pouvoir régulier, avec qui les négociations eussent été beaucoup plus aisées, et qui aurait tenu son autorité de la protection des alliés. La marche sur Pékin avait été une nécessité ; la campagne internationale dirigée par le maréchal de Waldersee fut une faute.

La tradition de leur politique, si admirablement adaptée aux idées et aux habitudes asiatiques, ne permettait pas aux Russes de s’y méprendre. Sauveurs de la dynastie, protecteurs de la Chine ne l’avaient-ils pas été déjà à maintes reprises, soit contre les Japonais en 1895, soit contre Yakoub-Khan ou les Taï-Ping, soit même, au temps d’Ignatief, contre les « barbares de la mer ? » Ils avaient toujours pratiqué, avec l’impératrice Tse-Hi et ses principaux conseillers, une politique de bon accord et de