significative ; il eût fallu la faire suivre de l’envoi de forces assez imposantes soit pour ôter au Japon la tentation d’entamer la lutte, soit au moins pour être en état de la soutenir. Cette date du 30 juillet est décisive dans la genèse de la guerre actuelle : du moment où la Russie manifeste sa volonté d’agir en Extrême-Orient par la « manière forte » et d’accroître ses arméniens, le ton des notes diplomatiques japonaises devient plus pressant ; ils rappellent aux Russes, avec plus d’insistance, leur promesse d’évacuer la Mandchourie ; et c’est à cette même date aussi que lord Curzon, vice-roi des Indes, inquiet depuis longtemps de l’influence croissante de la Russie au Thibet que les révélations sensationnelles de M. Alexandre Ular, reproduites avec complaisance dans la Contemporary Review et dans le Pioneer d’Allahabad, transformaient en un gigantesque complot pour faire de toute l’Asie centrale « un empire russo-chinois[1], » envoyait à Londres des rapports alarmans et sollicitait l’autorisation d’entreprendre l’expédition qui, à l’heure actuelle, escalade le plateau thibétain. Nomination de l’amiral Alexeief, protestations japonaises au sujet de la Mandchourie, préliminaires d’une expédition anglaise au Thibet, la triple coïncidence est assez significative pour ne pas exiger de plus longs commentaires. À un certain point de vue, le duel engagé entre la Russie et le Japon n’est qu’un épisode de la lutte entre l’Angleterre et la Russie pour l’empire de l’Asie.
Entre ces deux armées qui, en définitive, se battent pour elle et se disputent des territoires qui naguère lui appartenaient à elle, la Chine prendra-t-elle parti, jettera-t-elle dans la balance le poids de sa masse ; ou bien, comme une poule pour qui deux coqs se déchirent à coups de bec et d’ongles, assistera-t-elle impassible aux tragiques péripéties du duel ? C’est la question que l’on se pose volontiers, et c’est la suprême complication que l’on redoute. Nous ne croyons pas, pour notre part, à une intervention militaire pour laquelle le gouvernement chinois n’est
- ↑ C’est le titre du livre curieux, mais tendancieux, et dont il convient de contrôler soigneusement les affirmations, de M. Alexandre Ular (Paris, Juven, 1902, in-16). — Sur le Thibet et son organisation religieuse, voyez l’ouvrage de M. Grenard. Le Thibet (Paris, 1904. Armand Colin). — Cf. Livre Bleu Cd. 1920.