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VI

Les observations des agronomes et des botanistes modernes ont donc établi que le greffage exerçait une action modificatrice sur les deux associés. Le greffon trouve sur la plante qui le porte autre chose qu’un sol nourricier ; il y trouve un agent de transformation. On avait tort, tout à l’heure, de comparer le greffage à la reproduction, par bouture ou par marcotte, ces procédés n’altèrent pas le végétal : la greffe l’altère, elle le fait varier.

Ces altérations sont de deux espèces, ou pour mieux dire de deux degrés.

Les unes, minimes pour le botaniste, mais capitales pour le consommateur, sont de l’ordre de celles que produit la diversité des sols de culture ; ce sont des variations nutritives. Les changemens de cette catégorie portent sur la précocité du végétal, sur sa taille, sur son port, sur la caducité des feuilles, sur la grosseur du fruit et sur ses qualités de saveur. — L’entrée en sève de l’arbre greffé est plus précoce ; les observations du baron Tschudy sur les hêtres l’ont bien montré. Le développement est plus rapide. La taille de l’arbre fruitier greffé est plus faible, tandis que le fruit est plus gros. On peut dire que c’est là tout le principe de l’arboriculture potagère : obtenir de gros fruits sur de petits arbres. On greffe une plante plus vigoureuse, le poirier, sur une plante plus faible, le cognassier : par-là on diminue sa taille et sa vigueur végétative, on affaiblit l’exubérance de sa verdure et, par compensation, on accroît sa floraison et sa production en fruits. La greffe affaiblit l’arbre fruitier et du même coup le pousse à fruit : elle le fait vivre en milieu plus sec.

Il peut y avoir un second degré de variation, plus profond, déterminé par le greffage et qui affecte les traits principaux de la plante, les caractères botaniques de l’espèce : c’est la variation spécifique.

M. Daniel a rassemblé un grand nombre d’exemples anciens de ces deux espèces de variations. Il a apporté lui-même à l’œuvre de ses prédécesseurs une large contribution de faits nouveaux. Il a obtenu de nombreuses modifications du sujet par le greffon et du greffon par le sujet chez les plantes herbacées, choux, navets, ail, haricots, tomates, soleils. Ces opérations étaient exécutées, comme on le voit, sûr des espèces annuelles ou, en tout cas, à cycle de développement assez court ; elles ont eu cet avantage de permettre d’en suivre les