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nuit à la voir agoniser. Mme de Montespan et Mme de La Vallière y étaient. »

Cette dernière se dérobait le plus qu’elle pouvait aux honneurs. Mme de Montespan s’y complaisait et s’en ajoutait. Elle s’était mise sur le même pied que la Reine pour les visites ordinaires, qu’elle ne rendait « jamais, — dit Saint-Simon, — non pas même à Monsieur, ni à Madame, ni à la Grande Mademoiselle, ni à l’hôtel de Condé. » Même hauteur dans la manière de recevoir chez elle les princes et princesses du sang, et cet « extérieur de Reine » la suivit plus tard dans la retraite. « Il n’y avait personne qui n’y fût si accoutumé,… qu’on en conserva l’habitude sans murmure, » dit encore Saint-Simon, qui avait connu Mme de Montespan, disgraciée et occupée à faire pénitence, continuant néanmoins à tenir sa cour, dans son couvent[1], avec une étiquette aussi « royale » qu’à Saint-Germain ou à Versailles : « Son fauteuil avait le des joignant le pied de son lit ; il n’en fallait point chercher d’autre dans la chambre… Monsieur et la Grande Mademoiselle l’avaient toujours aimée, et l’allaient voir assez souvent ; à ceux-là on apportait des fauteuils, et à Madame la Princesse ; mais elle ne songeait pas à se déranger du sien, ni à les conduire… On peut juger par-là comme elle recevait tout le monde. » Le « tout le monde, » qui comprenait les plus grands, se contentait de « petites chaises à des » ou de simples « ployans. » Personne ne s’en offusquait : « Toute la France y allait ; je ne sais par quelle fantaisie cela s’était tourné de temps en temps en devoir… Elle parlait à chacun comme une reine qui tient sa cour, et qui honore en adressant la parole. »

Marie-Thérèse elle-même, au temps où Mme de Montespan était la vraie souveraine, avait subi à la longue l’empire de l’habitude. En 1675, quatrième année de la guerre de Hollande, Louis XIV étant à l’armée, Mme de Montespan à son château de Clagny, et l’un de leurs fils se trouvant « un peu malade[2], » la Reine se fit une obligation d’aller voir l’enfant et de distraire la mère. Elle passait prendre Mme de Montespan, l’emmenait un jour se promener à Trianon, un autre jour dîner dans quelque couvent favori ; exemple qui amena la foule à Clagny et détruisit les dernières hésitations : « La femme de son ami solide, écrivait

  1. Le couvent de Saint-Joseph, rue Saint-Dominique ; Mme de Montespan s’y était construit un logis.
  2. Le comte de Vexin, mort jeune. — Mme de Sévigné, lettre du 14 juin 1675.