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Ainsi nous apparaissent, chez eux, au travail, ou au dehors, joailliers, sertisseurs, polisseuses et dessinateurs, tout un monde qui ne vit encore que pour une faible part du collier de grand luxe, mais qui, cependant, en vit déjà.


IV

La joaillerie, en effet, n’est entrée que pour 3 000 francs dans un collier de 70 000, et entre même pour beaucoup moins dans un objet de 100 000 ou de 500 000 francs. Elle est, presque toujours, d’autant moins importante que la valeur des pierres l’est davantage, et ne dépassera généralement pas 1 500 francs dans une parure d’un million. Il reste donc 998 500 francs de pierres, et c’est seulement avec ces pierres, en réalité, que la véritable histoire du collier commence. Elles y valent presque le million à elles seules, et non d’une façon fictive, comme des perles ou des billets, mais aussi positive, aussi industrielle, qu’un immeuble du même prix. Le collier d’un million vaut exactement le million, par les matériaux et le temps des ouvriers, comme le valent une maison ou un palais.

Ici, nous pénétrons chez le tailleur de diamans, et la taille des diamans est une grosse industrie. Il y a des tailleries à Paris, dans le Jura, à Londres, à Anvers, à Amsterdam. Elles occupent, à Paris, environ 200 lapidaires, 600 dans le Jura, 150 à Londres, 3 000 à Anvers, 15 000 à Amsterdam… Nous voici donc dans un atelier de taille, dans l’un de ceux d’où sortent les belles pierres, et nous y sommes bien dans une usine. Soit à des tables hautes, sur de grands tabourets, soit à de longs établis où tournent des petites meules, voilà 50 ou 60 lapidaires en pleine besogne, et à leurs besognes diverses. Les pierres ont fréquemment des tannes intérieures, des points noirs placés à leur centre, et qu’on fait disparaître en les fendant en deux. De là, la nécessité d’un « cliveur, » qui fend les pierres tarées, et en fendrait, à la rigueur, par la rapidité du procédé, un si grand nombre dans la même journée, qu’un seul cliveur suffit pour tout un atelier. Matériellement, à tant le diamant fendu, il pourrait gagner jusqu’à 300 et 400 francs par jour, mais ne travaillerait, à ce régime, que pendant un mois par an, et préfère un traitement de 600 francs par mois. Le cliveur examine le diamant brut, le coupe ou n’y touche pas selon le cas, puis le remet aux brûleurs