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Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 22.djvu/901

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la joaillerie. Mais la « taille » même n’est pas tout, elle est précédée de l’extraction du minerai, et le champ, ici, va encore s’élargir.

Aux seules mines du Cap, dont l’exploitation et la découverte sont plus spécialement de l’histoire actuelle, nous voyons, à l’heure qu’il est, la fameuse et colossale compagnie des Beers, concessionnaire unique de toute l’Afrique du Sud. Dans l’espèce de vaste gouffre, sillonné de petits sentiers suspendus et d’innombrables fils de transmission, dont une mine offre le coup d’œil, on abat d’abord le minerai à la dynamite, puis on l’amène, par wagonnets, aux appareils élévatoires qui le déversent, en haut, sur des grilles où il se trie en gros et en fin. On lave tout de suite le fin, et le gros est transporté sur de grands terrains, divisé au pic, cassé, arrosé, et fréquemment retourné, pour mieux subir l’action de l’air. En dernier lieu, enfin, on le met sous les machines à laver. Pour toutes ces opérations, les quatre mines de Kimberley, de Dutoitspan et de Blœmfontein occupent 10 000 ouvriers Cafres et 1 500 surveillans blancs, dépensent quinze millions de bois et de charbon par an, et payent, au prix du vin, l’eau nécessaire aux machines et aux lavages[1]. Tout ce qui est ainsi extrait ou trouvé de pierres, sur toute la concession, est réservé, par contrat, au Syndicat des Importateurs de Londres. Le contrat, en retour, oblige le Syndicat à prendre toutes les pierres des Beers, et une sévérité exceptionnelle, une législation d’une dureté inouïe, réglementent, dans toute la région, la recherche et le commerce des minerais. On ne peut, ni en extraire, ni en acheter, ni en vendre, sans une licence, et aucun noir, en aucune espèce de cas, n’a droit à la licence. Toute contravention à l’une ou l’autre de ces règles est punie des travaux forcés à temps. Toute personne soupçonnée de pouvoir y contrevenir est soumise, dans des maisons de fouille, à des visites d’une minutie comme d’une indiscrétion impossibles à préciser, et les délits, cependant, malgré toutes ces menaces et toutes ces précautions, n’en sont pas moins continuels. La fièvre du diamant brave tous les risques, et les tribunaux établis pour en réprimer les effets ont à prononcer de fréquentes condamnations[2].

Quel foyer de vie et de trafic, quel rayonnement de production, indiquent certains de ces détails, et toute cette organisation !

  1. Reunert, De Launay.
  2. De Launay, Reunert, Lobstein.