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amis de la liberté, pour obtenir, aux élections municipales du 10 août, les suffrages de la ville la plus avancée. Cette ville reste, le lendemain du 4 septembre, aussi peu tumultueuse que les campagnes[1] : les révolutionnaires impatiens du pouvoir n’y seront pas portés par un élan populaire ; ils ne peuvent s’y glisser que par leurs propres manœuvres. La première est de s’imposer, par leur titre de républicains, au conseil municipal et, délégués par lui, de s’offrir au préfet impérial comme des auxiliaires. Celui-ci accepte leur concours, dans l’espérance qu’ainsi il prévient toute division. A peine admis, ils prétendent connaître toutes les dépêches du gouvernement ; le préfet veut garder pour lui les dépêches contenant des instructions, « à cause du caractère confidentiel qu’elles peuvent parfois revêtir. » L’occasion du conflit est saisie aussitôt. Le chef de la commission, Jean David, lié avec les hommes qui viennent de prendre l’autorité à Paris, leur dénonce le préfet et leur demande « des pouvoirs. » Dès la veille, le maire révélait la pensée du parti par cette dépêche au ministre de l’Intérieur : « N’envoyez aucun commissaire ; chargez au besoin David. » Mais le gouvernement, pour terminer ce petit conflit à huis clos, remplace le préfet de l’Empire, sans donner la place au candidat des républicains locaux. Il craindrait un manque de mesure dans le triomphe et dans les représailles, si un de ces vaincus, longtemps tenus à l’écart et rudement traités, devenait maître où il avait souffert : mieux valait, comme dans les républiques italiennes, choisir un arbitre étranger qui donnât raison à la minorité, mais l’empêchât de se venger elle-même. Le préfet envoyé de Paris, Montanier, ami de Ranc, ne pouvait être suspect aux avancés : c’est son ardeur qui tient le pays pour suspect et, dès l’arrivée, le dédaigne en deux mots : « population apathique[2]. »

La race des Hautes-Pyrénées, plus montagnarde, plus vigoureuse, réserve son énergie pour la vraie guerre, ne mêle pas les disputes de pouvoir aux tristesses de la défaite ; elle respecte l’autorité nécessaire à diriger la défense, que cette autorité soit aux mains du préfet impérial, ou que ce préfet ait pour successeur le journaliste républicain Eugène Ténot. Tous deux rendent

  1. Le Préfet impérial constate, le 5 septembre, que « la tranquillité publique n’a été troublée sur aucun point du département… Labrousse. » Le 6, le maire de la ville télégraphie : « Ordre parfait. » Id., 1025.
  2. Id., p. 1025 et 1026.