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brodés et leurs longues nattes, font un effet extrêmement pittoresque. Ma monture et ma selle sont comme les autres, et je dois avouer que je ne me suis jamais assis sur quelque chose d’aussi inconfortable qu’une selle chinoise en bois sculpté avec des étriers en forme de pantoufles, si hauts qu’on a les genoux presque sous le menton.

Deux grands monumens de pierre flanquent le sentier qui conduit au bois. Des dragons à l’air sinistre gardent l’entrée. Nous sommes au milieu d’une longue percée menant aux tombes, le long de laquelle nous rencontrons par intervalles d’autres monstres — éléphans ou chameaux, gigantesques figures humaines — en vis-à-vis, énormes gardiens de pierre, qui tiennent en respect à la fois les gens et les mauvais esprits. La beauté de ce lieu est indescriptible. Les sombres arbres toujours verts, les statues bizarres et le sentier à demi pavé, tout concourt à lui donner l’air d’une forêt enchantée dont le prestige est fait surtout de solitude et le charme de poésie éparse dans l’air.

Nous traversons quelques ponts, exquises constructions de marbre qui, avec leurs balustrades aux sculptures étranges, se mirent mollement à la surface des petits ruisseaux paresseux coulant en paix entre des rives fleuries. Au passage, on me signale que statues, rivières et ponts ont tous des significations symboliques en rapport avec l’esprit envolé.

Nous nous arrêtons devant un porche qui conduit à un arc de triomphe et je reste presque stupéfait de surprise. A n’en pas douter, j’ai devant moi le plus parfait monument du vaste Empire Jaune : matière, dessin, proportions, détails, tout est d’une beauté achevée. C’est une construction en marbre, de dimensions colossales, soutenue par d’énormes, blocs, avec des traverses de marbre arc-boutées sur des dragons impériaux. La décoration est du plus beau travail et la sculpture des frises unique en son genre. Je n’ai jamais vu, parmi tous les merveilleux monumens de Pékin, Nankin ou Hankéou, rien qui puisse rivaliser avec celui-ci. Ce n’est pas seulement la perfection du travail qui vous impressionne, mais la conception de l’architecte. Elle répond merveilleusement au dessein de l’édifice, qui est de conduire, après une vie de bataille et de victoire, au séjour de l’éternelle paix. A cet égard, je ne connais rien de comparable, si ce n’est la perle architecturale de l’Asie, le Taj Nahal.

La tombe elle-même est entourée de cours diverses, salles,