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l’horizon de verdure et de collines. Il s’y attache aussi cette sympathie mêlée d’admiration, qui va aux choses comme aux êtres qui ont souffert, quand, malgré leur souffrance, ils ont su garder un grand air. Et que de surprises de tous côtés ! Les hautes tiges des plantes, l’herbe touffue où l’on enfonce et qui se presse au pied des ruines pour les revêtir ; les oliviers aux formes tourmentées et robustes, si nombreux qu’ils forment comme un bois, dont les branches ténues et le feuillage pâle s’unit à la masse sombre des cyprès et au ton rouge des constructions de briques ; les murailles entr’ouvertes et les voûtes effondrées découvrant soudain un coin de ciel, le tronc capricieusement tordu d’un vieux figuier, la nappe étendue d’un pin parasol ; et le tout baigné dans cette lumière idéale dont parle Chateaubriand, où se fondent les objets et s’harmonisent les couleurs ! N’avons-nous pas raison de dire que ce sont là des sensations qui demeurent, et qu’il suffit de prononcer le mot de villas romaines pour évoquer aussitôt dans le souvenir la villa Hadriana de Tibur ?

Mais ce rapprochement que fait notre esprit est-il légitime ? Sommes-nous autorisés à nous figurer plus ou moins les autres maisons de campagne sur le modèle de la demeure impériale ? Car enfin, c’était le palais d’un prince ; il avait sans doute reçu du maître tout-puissant qui l’habitait un caractère exceptionnel. Les particuliers avaient-ils le même goût pour les immenses villas, de plusieurs kilomètres d’étendue, pour les énormes substructions, la multiplicité des appartemens, l’entassement des édifices ? Ou bien se faisaient-ils une idée différente de ce que doit être une maison de plaisance ? Comment, en d’autres termes, comprenaient-ils le séjour aux champs et aménageaient-ils l’endroit où ils venaient se reposer du bruit de Rome et du tracas des affaires ? Voilà ce que l’on aimerait à savoir, et ce que nous nous proposons de rechercher aujourd’hui.


I

Il ne faut pas compter trouver beaucoup de renseignemens chez Vitruve. Celui-ci, dans son Traité d’architecture, parle longuement de la maison de ville, plus longuement de la ferme de rapport ; mais sur la villa de pur agrément, habitation de luxe et de nul revenu, il est d’une sobriété désolante. On est d’autant plus étonné de ce silence que, à l’époque même où il vivait,