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Bien entendu, certains avantages ne s’y rencontreront qu’à un moindre degré. Pline, répétons-le, n’est pas vraiment riche ; encore moins peut-il se passer les fantaisies d’un empereur. Ce que nous avons vu chez Pollius et Vopiscus, il faut le transposer dans un ton moins éclatant. Mais diminué, et en raccourci, tout s’y retrouve. Les villas de Pline ont la même destination que les autres, répondent aux mêmes besoins, cherchent à les satisfaire par les mêmes moyens. Chez le modeste particulier ou chez l’opulent personnage, la façon de comprendre la campagne et d’en jouir se ressemble singulièrement.

C’est d’abord, dans ce pays fiévreux qu’était souvent l’Italie, dès l’antiquité même, la préoccupation de choisir pour sa maison un emplacement sain, à l’abri des miasmes. Apollinaris ayant émis quelques doutes sur la salubrité de la Toscane, Pline, qui se propose d’aller passer l’été dans sa terre de Tifernum, se hâte de rassurer son ami. À ce propos, il s’étend sur la situation de sa villa et le climat de la contrée. Il reconnaît que la côte de Toscane est empestée ; mais son domaine se trouve dans la région montagneuse, fort éloignée de la mer, et s’élève sur une colline où le vent de l’Apennin souffle toujours léger, même dans la saison chaude. L’air y est si pur, qu’il n’est pas rare dans le pays de voir des vieillards fort âgés, et parmi tous ses serviteurs Pline n’a pas un seul malade.

C’est ensuite le même souci de se ménager, des fenêtres de sa demeure, une vue très étendue. Pline, comme tous ses contemporains, aime les espaces largement découverts. Il est vrai que, de sa maison de Tifernum, il n’avait pas sous les yeux un vaste panorama, comme celui de la campagne romaine dont jouissaient, à Tibur, Vopiscus et l’empereur Hadrien. Il est vrai aussi qu’à Laurente la côte basse et droite était loin de valoir l’admirable golfe de Naples que Pollius embrassait du promontoire de Sorrente. Cependant la mer du Latium, tout inférieure qu’elle fût à celle de Campanie, lui offrait encore l’infini de ses horizons. Et à Tifernum sa villa, assise au revers de l’Apennin, à la rencontre de la vallée du Tibre et d’une vallée latérale, voyait se dérouler devant elle, à travers des prairies, le long ruban du fleuve qui descend vers Rome, puis, tout autour, s’étager en un gracieux amphithéâtre, des champs de blé, des vignes sur le flanc des coteaux, des bois au sommet, et à l’arrière-plan se profiler la crête bleue des hautes montagnes.