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charmant et les agrémens de la situation. Le Laurentin n’est qu’à dix-sept milles de Rome. Je peux donc ne m’y transporter qu’après avoir achevé toutes mes affaires et sans rien prendre sur ma journée. »

Puisque l’on a une villa pour échapper de temps en temps à Rome et à ses servitudes, pour y dormir tout son soûl quand on est un paresseux épicurien comme Martial, ou y travailler à son aise quand on est studieux comme Pline le Jeune, un jardin, des fleurs, des arbres ne sont pas indispensables ; il suffit d’avoir des bâtimens commodes, une habitation tranquille et fraîche ; on y reste, on en sort peu.

De la verdure autour des constructions, c’est en effet ce qui nous paraît faire le plus défaut à ces maisons de plaisance, quelque belles qu’on les suppose. Si les Romains ne pouvaient pas avoir cette variété de fleurs et de plantes qu’une culture plus savante, la connaissance des régions tropicales et le goût de l’exotisme ont répandue dans l’Europe moderne, il leur était facile de développer la végétation indigène et de multiplier les arbres de leur pays. La vérité est qu’ils n’y ont pas tenu. A Laurente, Pline n’a ni parc ni jardin, et cette absence n’est pas pour lui une privation. Mais alors même qu’ils ont un jardin, au lieu de laisser la nature croître librement, ils la compriment d’une manière artificielle et lui imposent des formes factices, le plus souvent tourmentées et bizarres. C’est le buis qui domine surtout dans ces jardins, précisément parce que c’est lui qu’on peut le mieux tailler à sa guise. Il sert de bordure aux allées et aux parterres, cache les murs qui soutiennent les terrasses, est tantôt rabattu, tantôt étage à diverses hauteurs. Il représente même des figures d’animaux. D’autres fois, il décrit des lettres qui figurent ou le nom du maître ou celui du jardinier. Il n’est pas seul, d’ailleurs, à être ainsi torturé ; plantes, arbres et arbustes sont coupés diversement, mais presque toujours en manière de palissades. Si les buis font songer aux ifs de Versailles, ces murailles de verdure rappellent les charmilles des parcs du grand siècle. Joignez à cela les longues allées tirées au cordeau et se coupant à angle droit, parfois des allées circulaires, mais alors concentriques et gardant une géométrique régularité ; par endroits, à certains ronds-points, des fontaines, des jets d’eau qui retombent dans des bassins de marbre ; des statues, comme chez Pollius Félix et Manilius Vopiscus, alignées au bord des haies, de