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semblerait être celui du gouvernement russe. Mais on voit où cela peut conduire, et quelles restrictions du commerce international en seraient la conséquence. M. Balfour n’a pas conclu ; il a fait part seulement de son opinion personnelle aux représentans du commerce de Londres ; il n’a pas caché le dissentiment qui existait entre Saint-Pétersbourg et lui sur cet objet important, et tout fait craindre que l’échange de vues actuellement en coins n’amène pas une concordance qui serait pourtant si utile. La guerre est la guerre. Aux horreurs qu’elle accumule sur les champs de bataille, il faut ajouter les souffrances qu’elle impose encore aux non-belligérans. Mais ne le savait-on pas ? Si on s’en était mieux souvenu avant la guerre, peut-être aurait-on fait un effort plus vigoureux pour en détourner le fléau. Il est un peu tard maintenant.

On a parlé depuis quelques jours, en s’appuyant sur tous ces incidens, de l’opportunité d’une médiation des puissances, qui offriraient leurs bons offices aux belligérans en vue du retour de la paix. Ces velléités, d’ailleurs un peu vagues, ont trouvé un assez bon accueil dans la presse anglaise et allemande. A l’exception d’un très petit nombre de journaux, les nôtres ont été plus réservés. Sans doute, il n’y a pas de moment où la paix ne soit infiniment désirable ; mais c’est une question de savoir si une intervention en ce moment, de quelque nature qu’elle fût, n’en rendrai ! pas le rétablissement plus difficile. On n’arrêterait pas aisément les Japonais au milieu de leurs victoires, dont ils s’éblouissent peut-être à l’excès et dont ils croient n’avoir pas épuisé la série ; et quant aux Russes, ce n’est pas au lendemain d’échecs partiels, qui n’ont rien de décisif et sont même parfois plus apparens que réels, qu’ils consentiraient à mettre bas les armes. S’ils ont éprouvé sur mer des désastres probablement irréparables, il n’en est pas de même sur terre où la campagne est à peine commencée pour eux. Il est vrai que tout peut dépendre du résultat d’une bataille, de celle d’aujourd’hui ou de celle de demain, car les Japonais paraissent résolus à brusquer les choses ; mais nous n’en sommes pas encore là. Les Russes n’ont pas cessé de compter sur leur revanche et de s’y préparer. La chute même de Port-Arthur ne les y ferait pas renoncer, et avec raison. Pour le moment donc, les puissances neutres ne peuvent que rester spectatrices du grand duel qui ensanglante l’Extrême-Orient, et, certes, c’est un rôle pénible pour elles, quelquefois même douloureux ; mais qui sait si, le jour où elles en adopteraient un autre, elles ne feraient pas naître de nouvelles complications ? Pour se prononcer sur une question aussi délicate, il