Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 23.djvu/292

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

charlatans, qui visent non à la révolution, mais à obtenir des places, et qui trompent le peuple, en sollicitant ses suffrages. Les nombreux attentats commis par les anarchistes, les grandes grèves qu’ils ont fomentées, particulièrement en Espagne, prouvent à quel point leurs propagandistes sont écoutés. Les socialistes les considèrent comme les plus dangereux compagnons et les meilleurs alliés de la bourgeoisie, de la réaction. Les social-démocrates réussirent à les expulser définitivement au Congrès international de Londres en 1896, où ils étaient accourus en foule, afin d’obliger, disaient-ils, les socialistes à révéler qu’ils étaient, non des révolutionnaires, mais de simples politiciens. Désormais, pour être admis dans le giron de l’Église internationale représentée par les Congrès, il faut : « 1°, être le délégué des organisations qui ont pour objet la substitution du mode de propriété et de production socialistes au mode de propriété et de production capitalistes, et considérer, l’action législative et parlementaire comme un des moyens d’atteindre cette fin ; — 2°, ou bien encore être le délégué d’associations purement syndicales qui, sans prendre part elles-mêmes à une action politique vigoureuse, admettent cependant la nécessité de l’action politique et législative. Par conséquent les anarchistes en sont exclus. »

La résolution de Londres que nous venons de citer, et qui est demeurée la règle inflexible, ne parle de l’action législative et parlementaire que comme de l’un des moyens d’atteindre le collectivisme. Il s’agissait de ne pas laisser aux anarchistes, populaires dans les syndicats, le monopole de la grève générale. La grève générale compte donc des partisans convaincus dans les Congrès internationaux, et même des spécialistes, tels que M. Allemane et M. Briand en France. Les députés socialistes belges, en 1902, ont tenté d’appuyer, par une grève générale qui dégénéra en émeute, la revendication du suffrage universel. Les Hollandais, en 1903, entraînés par l’influence des anarchistes dans les syndicats, commirent la faute de décréter la grève générale pour soutenir les employés de chemins de fer. Ils aboutirent à un désastre, non pour les chefs socialistes, mais pour les ouvriers. Belges et Hollandais se sont bien gardés de rappeler à Amsterdam ces souvenirs cuisans, dans la discussion théorique qui eut lieu sur la grève générale. On y entendit, pour la première fois depuis 1890, un Allemand, délégué de quelques syndicats berlinois, demander au Congrès de ne pas creuser un