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visiter l’établissement ecclésiastique où se préparaient les séminaristes, mais on lui refusait tout droit de direction ; et ce n’est qu’au prix d’interminables démarches qu’il obtenait qu’on éloignât de la Faculté de théologie de Fribourg certains professeurs impies ou libertins. Ses mandemens étaient soumis à l’approbation de l’Etat. Bref, entre l’ordinaire et les curés, entre l’ordinaire et les clercs, entre l’ordinaire et les fidèles, le Grand-Duc protestant s’interposait ; et, en cas de vacance du siège, il prenait toutes privautés à l’endroit des chanoines, pour exclure de l’épiscopat, quelque fût leur désir, l’ecclésiastique qui lui déplaisait.

On faisait un pas de plus en Nassau : on y cernait les chanoines électeurs dans un tel réseau de vetos, que leur vote leur était dicté : il fallut, en 1840, que le Pape annulât une nomination d’évêque pour laquelle le chapitre n’avait été que le greffier du commissaire grand-ducal. L’État de Hesse-Nassau trouvait malséant que l’Église fit respecter le devoir pascal : un message de l’Ordinaire, qui sanctionnait par certaines pénalités religieuses la gravité de cette obligation, fut lettre morte, faute de placet. L’Etat voisin de Hesse-Darmstadt suivait les mêmes maximes : il décidait, à lui seul, que l’instruction des clercs, assurée jusque-là par le grand séminaire de Mayence, serait désormais donnée à Giessen ; et dans cette ville si exclusivement protestante, que, jusqu’en 1838, elle n’eut même pas une église catholique, on improvisa une Faculté de théologie, Faculté fort mêlée, où renseignement d’élite donné par Staudenmaier et par Kuhn rachetait insuffisamment les théories étrangement anti-romaines professées par leurs collègues.


II

Ce qui méritait d’inquiéter l’Eglise dans cette attitude des diverses souverainetés, c’est qu’il y avait là beaucoup moins une politique de caprices qu’une politique de principes.

Derrière les à-coups d’arbitraire, par lesquels la bureaucratie s’ingérait dans la vie religieuse, deux principes, en effet, se dressaient et s’affichaient, l’un emprunté à la vieille théologie fébronienne, l’autre se déduisant de la jeune philosophie hégélienne. Febronius, avec sa théorie des églises d’État, Hegel, avec sa théorie même de l’Etat, servaient d’auxiliaires à l’ambition des pouvoirs laïques ; et, soit qu’ils alléguassent Febronius pour