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IV

Le laisser aller de l’épiscopat ne l’induisait pas seulement à des concessions de détail. Des intérêts très graves étaient en jeu, que la hiérarchie laissait péricliter : ils touchaient à l’intégrité dogmatique et disciplinaire.

Un système nouveau de philosophie s’était lentement acclimaté dans les Facultés de théologie prussiennes : on l’appelait l’hermésianisme, du nom du professeur Georges Hermès. L’hermésianisme était un effort d’apologétique inédite ; au terme de cet effort, il semblait à Hermès que la foi resplendissait, et Rome au contraire estimait et finit par déclarer que c’était là un resplendissement trompeur, masquant une véritable ruine de la croyance chrétienne. Les Recherches sur la vérité intérieure du christianisme, publiées en 1805 ; l’Introduction philosophique, qui est de 1819 ; la première partie de l’Introduction positive, qui parut en 1829, subsistent comme des fragmens authentiques et avoués de la pensée d’Hermès. Les morceaux posthumes de sa Dogmatique, imprimés par des disciples zélés, n’eussent pas vu le jour, tels quels, s’il eût vécu. Encore moins lui pouvons-nous imputer le long cortège de thèses philosophiques et religieuses qui, vingt ans durant, se déroulèrent dans la Revue pour la philosophie et la théologie catholique, fondée par l’école hermésienne en 1832, au lendemain de la disparition du maître. La philosophie hermésienne paraissait assez grosse de développemens, assez ample en sa portée, assez riche d’avenir, pour être fouillée, creusée, et puis prolongée à perte de vue, fût-ce même jusqu’à la perte de la foi.

Hermès installait le doute positif à la base de toutes les recherches théologiques. Entre ce néant qu’est le doute et cet édifice qu’est la foi, il chargeait l’intelligence humaine, et elle seule, de trouver le chemin.


Nous ne devons rien vouloir comme vérité, écrivait-il, ou, ce qui est la même chose, nous devons être sans parti. Nous devons, pendant la recherche, nous détacher, théoriquement, des systèmes de théologie et de religion, en tant que nous ne les avons pas reconnus comme certainement vrais ; ils doivent tous être, pour nous, également valables et également non avenus. Nous pouvons réaliser cet état, par la conviction vivante que nous agissons justement et saintement dans notre conscience, si nous nous tournons là où