qu’au-dessus de lui il y avait Dieu. Que Frédéric-Guillaume le voulût ou non, il y avait, à l’origine de sa politique de nivellement religieux, docilement acceptée par la Réforme, une sorte d’indifférentisme sceptique, qui faisait bon marché des divergences théologiques, et qui, pour obtenir je ne sais quelle unification de surface, appauvrissait de leur philosophie, et vidait en quelque sorte de leur essence même, le dogme calviniste et le dogme luthérien : les droits de la spéculation religieuse, tels que les avaient exercés, avec tout l’élan de leur âme, Martin Luther et Jean Calvin, étaient méprisés, périmés, annihilés, par la bureaucratie royale. Une protestation se produisait enfin, sonore, incoercible, contre cette politique qui reposait sur le mépris des âmes ; et c’est de l’Église catholique que cette protestation surgissait. En Allemagne et hors d’Allemagne, toutes les âmes religieuses en furent frappées ; dans son cachot de Minden et plus tard dans sa solitude de Darfeld, ce vieux prêtre occupait l’Europe. Il révélait, par son Non possumus, la nature et le caractère de son Eglise ; par sa passivité, il en révélait la force.
Le Saint-Siège et le cabinet prussien sentirent l’un et l’autre la portée de l’incident ; après un bref échange de notes diplomatiques, ils rompirent l’entretien : et c’est au monde chrétien que l’un et l’autre s’expliquèrent ; on publia, tant à Berlin qu’à Rome, des exposés officiels de l’affaire Droste ; l’Europe fut mise à même de juger. Le roi de Prusse subissait cette suprême défaite, de voir l’opinion européenne s’ériger en tribunal pour juger une affaire qu’il réputait exclusivement prussienne. Metternich, quelque effort que fît Bunsen pour le gagner, prenait parti pour l’Eglise, et blâmait hautement les exigences de la Prusse. Louis-Philippe observait avec intérêt le mécontentement des Rhénans, et l’on craignait en Autriche que la France, par quelque démarche, ne vînt à la rescousse et ne remît en péril l’équilibre germanique. Les chancelleries s’agitaient comme les âmes. Le protestant Thiersch, polémiquant avec Doellinger, écrivait un article sur la place de l’affaire de Cologne dans la politique européenne. Droste, en invoquant le droit de l’Eglise, avait appris aux puissans du monde que l’existence de l’Eglise était un fait, et que ce fait, à l’avenir, devrait entrer dans leurs calculs. Montalembert soulignait la leçon :
De quoi s’agit-il donc, s’écriait-il, si ce n’est d’une cérémonie cléricale, de ce qu’on appelle, entre gens éclairés, une momerie du culte, d’une