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Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 23.djvu/671

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pas à d’autres le droit de dessiner les traits et qu’il entend coiffer du bonnet rouge.

Il faut, avant toutes choses, enlever au passé le citoyen nouveau, l’arracher aux vieilles habitudes comme « au joug de la théocratie qui pèse encore sur lui. » « Il vaut mieux, s’écrie Lakanal, que la tête de nos jeunes concitoyens reste vierge, que de souffrir qu’on la gâte encore par des instructions vides et mensongères, qui lui font perdre à tout jamais le pli de la vérité. » Tous ceux en qui l’on peut soupçonner des représentans du passé doivent donc être, par principe, exclus des fonctions enseignantes. Dans ce sens, le projet de décret du 12 décembre 1792, déposé par Lanthenas au nom du Comité de l’Instruction publique, prescrit que : « les ministres d’un culte quelconque ne peuvent être admis aux fonctions de l’enseignement public, dans aucun degré, qu’en renonçant à toutes les fonctions de leur ministère » ; et le décret du 28 octobre 1793, en ajoutant les « ci-devant nobles » et tous « ecclésiastiques » à la catégorie précédemment établie, stipule que ni les uns ni les autres ne pourront être nommés membres des commissions scolaires de district ou être élus instituteurs nationaux.

De là à la doctrine du monopole de l’Etat, la distance est vite franchie. Sieyès, s’inspirant de Condorcet, se fait inutilement le défenseur du « droit qu’ont tous les citoyens d’ouvrir des cours ou écoles particulières et libres sur toutes les parties de l’instruction et de les diriger comme bon leur semble ; » on écarte un tel projet comme « liberticide. » Danton déclare « qu’il est temps de rétablir le grand principe qu’on semble trop méconnaître, que les enfans appartiennent à la République avant d’appartenir à leurs parens. « Personne plus que moi, dit-il, ne respecte la nature ; mais l’intérêt social exige que là seulement viennent se réunir toutes les affections. Qui me répondra que les enfans, travaillés par l’égoïsme des pères, ne deviennent dangereux pour la République ? » Ducos invente le stage scolaire ; il faut, selon lui, opter entre l’éducation domestique et la liberté, car tant que « pour se servir des expressions de Plutarque, on n’aura pas acheminé à une même trace, et monté sur une même forme, tous les enfans de la Patrie, c’est en vain que les lois proclameront la sainte égalité ; » Romme ne voit le salut que dans l’Etat ; Rabaud Saint-Etienne rêve d’une République antique où tous recevraient, « dans tous les âges et dans tous les lieux, les