Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 23.djvu/676

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’autorisation toujours révocable d’ailleurs de son grand maître, aucune école d’aucune sorte ne pourra s’ouvrir et, ouverte, elle demeurera étroitement endiguée, afin que « l’on ne puisse y enseigner des principes contraires à ceux que professe l’Université. » Sur ce point, Fourcroy semble avoir été l’interprète obéissant de la pensée de l’Empereur, lorsqu’il disait à la tribune du Corps législatif : « De quelle importance n’est-il pas que le mode d’instruction, reconnu comme le meilleur, joigne à cet avantage celui d’être uniforme pour tout l’Empire : ne faire qu’un seul corps, n’avoir qu’un même esprit et concourir au bien public par l’unanimité des sentimens et des efforts. »

Le soin de préparer les esprits à porter le nouvel uniforme sera confié à des maîtres astreints au célibat, à la vie commune, véritables « époux de l’Instruction publique, » liés vis-à-vis de leur chef par un serment d’obéissance et par un engagement qu’ils ne peuvent révoquer, corporation de « jésuites de l’intérêt public. » La hiérarchie universitaire se modèle sur la militaire ou la religieuse, les pénalités universitaires sont la répétition de tels articles du « service intérieur des corps de troupe. » Au-dessous du maître qui, régi de la sorte, devient à son tour exclusivement un régent, l’élève est interné dans les établissemens secondaires ; il est épié, il ne doit jamais être « abandonné à lui-même, » ses mouvemens sont scandés au son du tambour, l’enseignement qu’il reçoit est, en principe et en fait, une démonstration constante de la supériorité de la Constitution impériale, des bienfaits du nouveau régime, des fautes, des vices ou des crimes de ce qui était auparavant. C’est le monopole, non pas au nom d’un principe religieux ou philosophique, mais bien en vue d’un rendement déterminé ; la forme des produits manufacturés et leurs situations réciproques sont réglées et calculées, de telle sorte qu’ils répondent à une utilisation précise, leur adaptation aux desseins du maître.

Il ne peut donc y avoir de fuites dans le réservoir où, sous ses yeux, l’Empereur parque les énergies latentes de la jeunesse, pour y puiser à temps voulu ; mais les élémens de corruption sont là, à la porte, toujours nocifs, toujours au guet, toujours prêts à saisir l’adulte ou l’homme fait. Ils menacent l’unité impériale, puisqu’ils refusent de s’y laisser englober, et, par cela même, il importe d’établir entre eux et le terrain où ils pourraient prendre pied, une barrière que nul ne pourra franchir ;