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réclame et l’inscrit sur ses contrôles. Sous quelle rubrique exacte ? Les travaux de l’école médicale contemporaine sont en train de nous l’apprendre. Ils ont fait connaître les principales affections morbides, qui laissent pour reliquats ces exemplaires hors mesure de l’espèce humaine.

Parmi les très petits hommes et les très petites femmes, beaucoup, en effet, sont des malades manifestes. Et d’abord les rachitiques : ceux-là sont rapetissés en même temps que contrefaits, par suite du tassement et des incurvations de leurs os, insuffisamment durcis pour soutenir le poids du corps. Ils sont de faux nains, car leur squelette redressé leur assignerait une stature moyenne. Malades encore, et faux nains ceux dont la petite taille est due à des déviations de la colonne vertébrale, ou à une atrophie des membres inférieurs comme les culs-de-jatte. Malades encore, la plupart de ces nains, qui, jadis sous les noms de « fous » et de « bouffons » servaient à l’amusement des cours, et qui aujourd’hui, dans les cirques et les baraques de foire, sont offerts en spectacle à la curiosité du public. Leur prétendue régularité de conformation, toute relative qu’elle soit, n’est encore qu’une illusion. En réalité, c’est une maladie véritable du tissu cartilagineux, l’ « achondroplasie, » qui les a faits ce qu’ils sont.

Cette affection a été reconnue et caractérisée, pour la première fois, par J. Parrot en 1876. Elle a donné lieu, depuis lors, à des recherches nombreuses. Porak en a fait une excellente étude en 1890. On a constaté qu’elle était, dans une certaine mesure, transmissible par hérédité et se répétait parfois parmi les enfans d’une même famille. C’est en partant de cette observation que A. Poncet exposait, l’an dernier, devant l’Académie de médecine, l’hypothèse hasardeuse d’une race de nains de cette espèce, qui se serait perpétuée depuis l’antiquité jusqu’au milieu du moyen âge, et aurait aujourd’hui disparu.

Quand on a éliminé toutes ces catégories de malades, d’infirmes, de contrefaits, de dystrophiques et d’êtres arrêtés dans leur développement ; quand on a écarté toute cette « Cour des Miracles, » que reste-t-il ? Y a-t-il encore des nains, avoués par la saine nature et par la statuaire, tels que ceux dont l’antiquité a fait les héros de tant de fables et de légendes ? La médecine ne s’explique pas avec netteté sur ce point. Elle se contente de dire que la plupart des nains qui se rencontrent sont le produit de l’infantilisme ou de l’achondroplasie et que ce sont des malades, si l’on veut considérer ces deux états comme des maladies véritables. Mais n’y en a-t-il pas d’autres ? C’est un point qui vaut la peine d’être examiné.