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nains purs sans tare pathologique et sans tare de l’évolution, comme les voulait Geoffroy Saint-Hilaire, mais comme la réalité nous en offre bien peu d’exemples. Dans la seconde catégorie se rangent les nains bien faits, bien proportionnés, qui doivent leur petite taille à une tare de l’évolution, à un état d’infantilisme plus ou moins prononcé. La troisième est formée par les nains contrefaits ou achrondroplasiques. Nous allons passer rapidement la revue de ces trois corps de l’armée des nains.


III

C’est à propos des nains parfaits sans tare morbide ni évolutive qu’il convient de parler de la race minuscule des pygmées d’Afrique, encore bien que ceux-ci ne soient point des nains véritables.

On sait la croyance très générale des anciens à l’existence de peuples nains, qu’ils appelaient Myrmidons ou Pygmées. Ce n’est pas ici le lieu de s’étendre sur toutes les fictions des poètes au sujet de ces êtres fabuleux. Il suffira d’en noter brièvement le souvenir. Nous rappelons donc que les Myrmidons étaient les anciens habitans de l’île d’Égine, au temps d’Éaque : ils colonisèrent en Thessalie la Phtiotide, patrie d’Achille, fils de Pelée, qu’Homère, à cause de cela même, qualifie de roi des Myrmidons. C’est une tradition mal interprétée qui fit de ces primitifs Éginètes des sortes de nains. Le soin qu’ils mettaient à fouiller le sol et à transporter la terre arable sur les surfaces rocheuses de leurs champs pour les rendre fertiles ; ou, peut-être, l’attention laborieuse qu’ils donnaient à leurs cultures suggéra de les comparer à des fourmis diligentes. La légende, telle qu’Hésiode l’a racontée, revêtit d’une forme symbolique cette comparaison. Elle fit naître les Éginètes de fourmis que Jupiter avait métamorphosées en hommes à la prière d’Éaque. Le mythe réagit à son tour sur l’imagination qui l’avait créée, et ces hommes nés de minuscules insectes furent considérés comme des êtres minuscules.

Avec les Myrmidons, on est en pleine fable. Avec les Pygmées, on entre dans l’observation et dans l’histoire, mêlées encore de beaucoup de fictions. La première de ces fictions est relative à leur taille : on la disait d’un pied, et leur nom vient précisément du mot qui désignait, chez les Grecs, cette mesure de longueur. C’est d’eux que Juvénal a écrit :


Quorum tota cohors pede non est altior uno.