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l’organisation du squelette. On sait que les os ont deux origines différentes. Les uns viennent de la transformation d’un tissu primordial de nature cartilagineuse, ce sont les « os de cartilage. » Les autres viennent d’une autre variété de tissu, le tissu conjonctif primitif ; ce sont les « os de membrane. » La clavicule, les côtes, les os qui forment la voûte du crâne sont de cette seconde espèce. Une maladie qui frappera exclusivement les cartilages laissera donc ces os intacts, et c’est pourquoi le nain achondroplase a le crâne bien développé (et conséquemment aussi le cerveau) ; il a, pour la même raison, un thorax vigoureux et bien conformé. Au contraire, en thèse générale, les os des membres s’allongent par suite du travail d’activité des cartilages, dits de conjugaison, qui terminent leurs deux extrémités. Si donc, comme c’est le cas ici, le tissu cartilagineux est malade et frappé de stérilité, les os ne croîtront plus en longueur : ils gagneront seulement en épaisseur, parce que c’est une membrane, le périoste, et non un cartilage primordial qui préside à leur développement transversal. On voit par-là que la difformité qui fait les nains s’explique immédiatement, dans ses grands traits, par une altération restreinte au tissu cartilagineux primitif et qui le frappe d’inertie et de stérilité. Cette achondroplasie, cette dystrophie du cartilage primordial n’est d’ailleurs pas une simple hypothèse, c’est un fait que l’examen microscopique des cartilages montre aux yeux. Ajoutons qu’elle rend compte non seulement des traits principaux du nanisme ordinaire, mais de toutes ses circonstances les plus accessoires et les plus particulières.


VII

Un phénomène biologique si général ne pouvait se restreindre à l’espèce humaine. Les animaux, eux aussi, présentent des exemples de nanisme et de difformité comparables à ceux de l’homme. Tel est le cas des chiens bassets, des bœufs « natos » et des moutons « ancons. » La différence consiste en ce que, chez les animaux, la monstruosité ne garde pas un caractère individuel. Elle donne lieu à la formation de races nouvelles. Celles-ci d’ailleurs n’ont aucun caractère de supériorité sur la race ordinaire. La déformation ne constitue point un avantage pour l’animal lui-même, mais seulement pour l’homme qui en tire parti. Ces races ne se maintiennent donc que parle concours de l’homme : elles disparaîtraient, si celui-ci n’y tenait la main.