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dû le recommander encore davantage, et surtout plus sérieusement, à la confiance des inscrits maritimes, c’est que, pour venir à eux, il s’est détaché de ce qu’on peut appeler le bloc patronal. Cette attitude, de sa part, n’a pas laissé de causer quelques susceptibilités parmi les autres Compagnies maritimes. Elles s’étaient promis de tenir ferme en face des ouvriers de toutes catégories jusqu’à ce qu’ils eussent accepté leurs conditions, et c’est même pour se solidariser avec la Compagnie des Messageries maritimes, la première atteinte, que les autres avaient décidé le désarmement général. Malgré cela, les ouvriers ont vu M. Charles-Roux venir à eux avec un rameau d’olivier à la main. Comment l’ont-ils reçu ? Avec une défiance arrogante, outrageante même, qui a failli tout gâter dès le premier moment. Dans une réunion des inscrits, M. Rivelli, président de leur syndicat, s’est exprimé sur le compte de M. Charles-Roux en termes tels que celui-ci s’en est déclaré offensé, et a refusé d’avoir désormais aucun rapport avec un pareil négociateur. Les journaux socialistes ont pris la défense de M. Rivelli, en disant qu’il n’était pas obligé d’être bien élevé : sans doute, mais ce n’est pas seulement un manque d’éducation qu’il a montré, c’est encore un manque d’intelligence et de cœur. Singulier état d’esprit que celui de certains ouvriers ! Ils croient que, pour continuer de mériter la confiance de leurs camarades, ils ne peuvent causer à demi-voix avec les patrons qu’à la condition de les injurier tout haut. M. Charles-Roux a protesté et regimbé. Cependant il n’a pas voulu faire retomber sur toute la corporation la faute d’un de ses membres, bien que celui-ci fût son représentant officiel, et les négociations n’ont pas tardé à recommencer : c’est à peine si elles ont été un moment interrompues, et nous ne relevons l’incident qu’à cause de sa signification psychologique.

Il faudrait descendre dans des détails techniques, qui n’intéresseraient peut-être que les spécialistes, pour rendre compte des négociations de M. Charles-Roux : contentons-nous de dire que le principal dissentiment entre les inscrits et les Compagnies portait sur certains travaux supplémentaires justifiés par l’urgence de les accomplir, travaux qui intéressaient quelquefois la sécurité des passagers, plus souvent la conservation des marchandises ou des bagages, et dont les inscrits prétendaient s’affranchir sous prétexte qu’ils ne rentraient pas dans leur service, ou se faire rémunérer par une prime exceptionnelle. On voit tout de suite que la seconde prétention est plus légitime que la première : aussi M. Charles-Roux y a-t-il donné satisfaction. Il s’est refusé seulement à tout ce qui aurait pu diminuer sur