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s’enorgueillissait de la réunion du Congrès. On craignit même un instant que l’assemblée ne fût ajournée ou transférée dans une autre ville. Ce bruit se propagea assez sérieusement, le lendemain de l’attentat. Mais le gouvernement allemand, estimait avec raison que les intérêts en cause ne devaient subir aucun retard, et, personnellement, il tenait à ne pas donner trop de retentissement à ce triste épisode. Le prince impérial fut simplement chargé d’administrer l’État jusqu’à la guérison de l’Empereur, et d’accueillir à sa place les plénipotentiaires.

Le 13 juin demeura donc la date de l’ouverture des séances, ainsi qu’il avait été décidé, et les préparatifs matériels furent poursuivis avec activité. Le palais Radziwill, vaste édifice de la Wilhelmstrasse, où le Chancelier devait demeurer désormais, avait été désigné comme siège du Congrès. La salle centrale convenait parfaitement pour les réunions plénières : des salons voisins furent réservés pour les commissions, les services du secrétariat et les conversations particulières. Bien que les travaux d’aménagement fussent assez considérables, tout fut terminé promptement, et, si les appartemens du prince de Bismarck étaient encore un peu négligés, toutes les pièces d’apparat se trouvaient, au jour dit, complètement disposées pour l’inauguration.

Le Chancelier, tout en surveillant ces détails avec l’attention qu’il apportait aux moindres choses, avait organisé le secrétariat dont il devait présenter les titulaires à l’agrément de ses collègues. Il en donna la direction à M. de Radowitz, ministre d’Allemagne en Grèce, qui remplissait auprès de lui, par intérim, des fonctions analogues à celles de notre directeur politique au quai d’Orsay. Ce diplomate de race, fils d’un ancien ministre de la monarchie prussienne, méritait à tous égards ce grand poste. Non moins remarquable par l’activité que par la vigueur de son esprit, il avait été formé par le Chancelier, qui appréciait ses qualités rares. Celui-ci lui avait confié, en 1875, cette mystérieuse mission à Saint-Pétersbourg dont la France avait été si vivement émue : c’est assez dire combien il comptait sur sa discrétion, son dévouement, et sa haute intelligence. M. de Radowitz parlait, avec une égale facilité, le français, l’anglais et le russe ; il plaisait par sa cordialité, la verve de sa conversation et sa grâce d’homme du monde.

La rédaction des protocoles me fut remise. Le prince de