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Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 23.djvu/743

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assez embarrassés, quand je m’avisai d’une qualification en usage dans diverses ambassades, celle de « secrétaire archiviste. » Elle fut agréée sur-le-champ par le prince qui conféra à son candidat ces fonctions accessoires, qu’un des adjoints eût remplies sans beaucoup de peine, mais qui étaient à la rigueur distinctes de l’ensemble des services. C’est ainsi que le disciple de Lassalle, revêtu de ces attributions qu’on jugea compatibles à la fois avec le bon ordre et avec sa dignité, fut admis dans le personnel du Congrès.

J’ai fait allusion tout à l’heure aux motifs qui avaient amené le chancelier à confier la rédaction des protocoles au premier secrétaire de l’ambassade de France. Cette préférence ne m’était point personnelle, au moins de la part du prince de Bismarck, qui ne me connaissait que de nom : elle était donnée en réalité à mon poste. Depuis quelque temps, et en vue de ses rapports avec nos plénipotentiaires, dans une assemblée où il désirait trouver partout des dispositions favorables, il s’attachait à montrer à notre gouvernement une bonne volonté particulière. Au cours des pourparlers préparatoires, dans ses fréquens entretiens avec notre ambassadeur, il nous témoignait la plus courtoise déférence ; il avait adopté avec empressement les vues et les réserves de M. Waddington ; il avait examiné avec l’un et l’autre, dans le sens le plus conciliant, plusieurs points du programme général, et donné ainsi à nos relations sur le terrain oriental les meilleures apparences. Le choix du rédacteur des protocoles s’accordait avec cette conduite prévenante, dont assurément nous ne nous exagérions pas la portée, mais qui, après tout, devait faciliter notre rôle au Congrès et atténuer nos soucis permanens. L’entente s’était donc aisément établie là-dessus entre lui et M. Waddington, et il voulut même l’accentuer en réservant au secrétaire français un accueil spécialement affable. On me permettra peut-être de rappeler ici une anecdote personnelle intéressante, non pas en ce qui me concerne, mais parce que le chancelier y est en scène dans son intérieur, et, surtout, parce que le mot de la fin donne la note des sentimens qu’il entendait alors nous manifester.

Le jour où il s’installait au palais Radziwill, il me fît prier par son fils Herbert à un dîner où je serais seul avec sa famille et lui. Je ne lui avais pas encore été présenté : j’allais lui demander une simple audience ; notre ambassade fut surprise et