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s’attache, pour n’en être plus désormais séparé, ni même distingué, l’éclat de la gloire commune et l’immortel honneur de la Pléiade entière. On attaquera bien encore sa personne ! Cela est de tous les temps ; et, dans l’histoire de la littérature comme dans l’histoire de l’art, — mais surtout dans l’histoire de la littérature, parce que tout le monde y tient la plume, — il suffit qu’une grande renommée s’élève, pour que les rivaux soient tentés de s’en acquérir une, et on pourrait dire la même, rien qu’en se mettant en travers d’elle. Mais, du moins, ne contestera-t-on ni le génie du poète, ni sa royauté littéraire. C’est au bruit des acclamations qu’il avancera désormais dans la vie. On ne s’étonnera pas de l’entendre dire superbement, à ses adversaires mêmes :


… de ma plénitude,
Vous êtes tous remplis, je suis seul votre étude ;
Vous êtes tous issus de la grandeur de moi,
Vous êtes mes sujets, je suis seul votre Loi ;
Vous êtes mes ruisseaux, je suis votre fontaine !


L’étranger, — l’Allemand, l’Anglais, l’Italien. — ne lui témoigneront pas moins d’admiration que ses compatriotes. Et quand enfin il mourra, vieux avant l’âge, au lendemain de la dernière et plus magnifique édition de ses Œuvres, l’in-folio de 1584, du Perron, dans une éloquente Oraison funèbre, et le pieux disciple du poète, Claude Binet, dans le récit de sa Vie, feront de lui comme un personnage de légende, dont la naissance, accompagnée de gracieux prodiges, aura compensé, diront-ils, par la gloire qu’elle devait jeter sur le nom français, le désastre et le deuil national de Pavie[1].

  1. Voici le texte de Binet : « Du mariage de Louis de Ronsard et de Jeanne de Chaudrier naquit Pierre de Ronsard, au château de la Poissonnière, au village de Couture, en la Varenne du bas Vendômois, situé sur le bas d’un coteau qui regarde la région septentrionale, un samedi 11 de septembre 1524, auquel jour le roi François Ier fut pris devant Pavie. Et pourrait-on douter si en même temps la France reçut par cette prise malencontreuse un plus grand dommage, ou un plus grand bien par cette heureuse naissance. »
    Il y a là-dessus deux difficultés, dont la première est que la bataille de Pavie a eu lieu le 24 février 1525, non le 11 septembre ; et la seconde que, ni en 1524, ni en 1525, l’ 11 de septembre ne tombait un « samedi », mais, en 1524, un dimanche, et, en 1525, un lundi.
    Pour écarter la dernière de ces difficultés M. Henri Longnon, dans une thèse encore inédite, ou du moins en partie, sur la Jeunesse de Ronsard, a ingénieusement conjecturé que Ronsard aura lu, dans son livre de raison, le 11e de septembre pour le 11e, qui tomba en effet un samedi, en 1525 ; et, quant à la première, il peut nous suffire que Ronsard soit né dans l’année de Pavie.