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l’ont cru Ronsard lui-même, et Remy Belleau sur sa parole. Marie, lui dit-il, quelque part,


… Marie, tout ainsi que vous m’avez tourné
Ma raison qui, de libre ; est maintenant servile,
Ainsi m’avez tourné mon grave premier style,
Qui pour chanter si bas n’était point ordonné.


Il se trompe ; et son style de 1556 ne diffère pas tant de son style de 1552.


J’ai l’âme pour un lit de regrets si touchée,
Que nul homme jamais ne fera que j’approuche,
De la chambre amoureuse, encor moins de la couche
Où je vis ma maîtresse au mois de mai couchée.
Un somme languissant la tenait mi-penchée
Dessus le coude droit fermant sa belle bouche,
Et ses yeux dans lesquels l’archer Amour se couche
Ayant toujours la flèche à la corde encochée.
Sa tête en ce beau mois, sans plus, était couverte
D’un riche escoffion ouvré de soye verte,
Où les Grâces venaient à l’envi se nicher,
Puis en ses beaux cheveux choisissaient leur demeure.
J’en ai tel souvenir que je voudrais qu’à l’heure,
Mon cœur pour n’y penser fût devenu rocher.


Ce sonnet n’est pas bon, en dépit de Belleau qui nous y montre, en son commentaire, « le divin portrait d’une femme endormie de bonne grâce sur un lit. » Mais si le sonnet était meilleur, on ne voit pas qu’il différât beaucoup des Sonnets à Cassandre, et, en tout cas, l’intention d’art en est visiblement la même. Aussi bien, dans ce second recueil, les imitations ou adaptations de l’italien et du latin, de Manille et de Catulle, de Properce et de Bembo, voire de Calcagnini, les allusions mythologiques ne sont-elles guère moins nombreuses, ni moindre la dépense d’érudition. Mais ce qui est vrai, c’est que, d’une manière générale, Ronsard traite Marie plus familièrement, moins respectueusement que Cassandre, et qu’il la considère, en quelque manière, de moins bas.

Ce qui est encore vrai, c’est que les sonnets, dans ce second livre, sont entremêlés de Madrigaux, de Chansons, d’Elégies qui en détendent, pour ainsi parler, la continuité monotone, et qui