Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 23.djvu/929

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
REVUE LITTÉRAIRE

SHAKSPEARE ET LA CULTURE FRANÇAISE

C’est une lâche singulièrement difficile que d’écrire l’histoire d’une littérature étrangère, surtout s’il s’agit d’une littérature dont le génie diffère profondément du nôtre, mais qui a d’ailleurs avec la littérature française ce trait en commun : la richesse inépuisable et une puissance de production ininterrompue à travers les siècles. Aussi, depuis 1864 où Taine donnait son Histoire de la littérature anglaise, personne ne s’était-il avisé de renouveler l’entreprise. Était-ce qu’on craignît l’apparence de se poser en rival du célèbre écrivain, ou que l’on considérât pour un temps son œuvre comme définitive ? Mais l’Histoire de Taine était résolument systématique et n’avait même servi au philosophe que d’un moyen pour éprouver son système. On pouvait reprendre le sujet en se plaçant à un autre point de vue, en employant une autre méthode. C’est ce qu’a justement pensé un des plus fervens admirateurs de Taine, M. J. -J. Jusserand. Familiarise par de fréquens séjours chez nos voisins avec la société, la vie, la pensée anglaise, initié par les leçons de Gaston Paris aux recherches de l’érudition moderne, ce diplomate de carrière s’est proposé, par manière de passe-temps et pour occuper les loisirs de sa profession, d’écrire une monumentale Histoire littéraire du peuple anglais. Le premier volume avait été publié en 1894. Le second volume vient de paraître[1]. On ne trouvera pas que ce fût trop de dix années pour en

  1. J. -J. Jusserand. Histoire littéraire du peuple anglais. — I. Des Origines à le Renaissance. — II. De la Renaissance à la guerre civile, 2 vol. in-8o (Firmin-Didot).