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Le silence semble mort
Où j’entendais jadis rire,
Au fond du bois d’ombre et d’or,
La Faunesse et le Satyre,

Et, dans leurs roseaux distincts,
Murmurantes et lointaines,
Se répondre, échos lointains,
Les flûtes et les fontaines !


AUTRE SOIR


Ce beau jour n’est plus rien que son ombre odorante,
La lumière est éteinte et le vent disparu ;
Le parfum ténébreux de l’arbre et de la plante
A remplacé pour nous la forme qu’ils n’ont plus.

La forêt incertaine est à peine un murmure
Où la feuille invisible à la feuille s’unit,
Et le fleuve n’est plus qu’une fraîcheur obscure
Qu’aspire en soupirant l’haleine de la nuit.

Il semble que le temps et l’ombre et le silence
Ordonnent de mourir et de fermer les yeux,
Car si le jour renaît, revient et recommence,
Aura-t-il la beauté de ce jour radieux ?

Aura-t-il cette aurore, et ce clair crépuscule,
Et ce midi de flamme où l’Amour triomphant
Pose aux lèvres en feu sa lèvre qui les brûle ?
Et son soir sera-t-il sonore et transparent ?

Et du fleuve, de la forêt et de la plante,
De tout ce qui fut lui, refera-t-il demain
Ce ténébreux parfum et cette ombre odorante
Où persiste embaumé son souvenir divin ?