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économique. L’avenir de son union impérialiste est plus incertain que jamais. Les deux discours d’Edimbourg et de Luton ont seulement établi les positions respectives de MM. Balfour et Chamberlain ; mais comment évolueront-ils l’un et l’autre ? quelle sera la fin d’une partie aussi compliquée ? et quand viendra-t-elle ? Nul ne le sait.

La place nous manque pour parler des grèves de Marseille ; elles sont terminées ; c’est tout ce qu’on peut en dire de mieux. Après un mois et demi de chômage, le port de Marseille a retrouvé son activité habituelle, et nous souhaitons que ce soit pour longtemps. La reprise du travail est due à deux causes : à l’entente entre la Compagnie transatlantique et les inscrits maritimes, entente qui s’est bientôt étendue aux autres compagnies, et à la fermeté tardive, mais efficace, avec laquelle, après le rejet de la sentence arbitrale par les dockers, le gouvernement a fait respecter la liberté du travail. S’il l’avait fait respecter plus tôt, la grève aurait duré moins longtemps ; mais enfin, mieux vaut tard que jamais. Les mesures ont été habilement arrêtées et vigoureusement exécutées. Les patrons ont annoncé qu’ils n’embaucheraient que des ouvriers ayant accepté la sentence arbitrale : peu à peu, ils y sont tous venus. Après quelques jours de protestations stériles, les meneurs, voyant que tous les ouvriers leur échappaient les uns après les autres et qu’il y en avait déjà assez pour assurer les services du port, ont fait le simulacre d’un dernier référendum, qui a réussi mieux que les précédens, et grâce auquel la sentence arbitrale a été acceptée par les derniers récalcitrans.

Mais nous ne nous faisons pas beaucoup d’illusions sur les sentimens des ouvriers. Les inscrits maritimes, dans leur ordre du jour du 7 octobre, ont déclaré qu’ils se mettraient à la disposition des armateurs, « en leur signifiant qu’ils n’oublieraient jamais leur attitude. » En un sens, cela serait désirable. Il était bon que les contremaîtres, les officiers, les armateurs prouvassent que la loi de 1884 était faite pour eux comme pour les ouvriers, et qu’ils pouvaient, eux aussi, se mettre en grève. Malheureusement, ce n’est pas ainsi que l’entendent les ouvriers. Ils ont cédé par lassitude ; mais il y a jusque dans leur soumission une menace pour l’avenir.


Francis Charmes.
Le Directeur-Gérant,
F. Brunetière.