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LES INSCRITS MARITIMES
ET
LLES GRÈVES RÉCENTES

La grève de Marseille s’est distinguée des grands mouvemens ouvriers du même genre qui l’ont précédée, par plusieurs traits dignes, à des titres divers, d’appeler l’attention. Jamais le système des mises à l’index, — le boycottage des Irlandais et des Américains, — n’a été appliqué avec une telle âpreté, un tel dédain de la loi. Rarement les prescriptions, aussi vaines que bien intentionnées de la législation de 1884, ont été détournées avec un tel sans-gêne de leur objet. Rarement aussi les ouvriers ont montré avec plus d’éclat dans quel mépris, quand ils sont syndiqués, ils tiennent des engagemens pris en leur nom par leurs propres délégués.

Les péripéties de la grève se sont d’ailleurs déroulées avec une sorte d’apparat théâtral. La pièce a eu son prologue, ses quatre ou cinq actes, son épilogue, un décor magnifique, la mer bleue vide de navires, les quais vastes et inanimés, les bateaux de la marine marchande immobilisés, les charbonniers oisifs, les dockers bruyans, les « inscrits maritimes » en révolte, les grands premiers rôles, ces messieurs des syndicats, et divers personnages secondaires, très affairés, les pères nobles conciliateurs, au second plan les comparses, la foule, et, dans les coulisses, les familles des grévistes attendant, avec une anxiété résignée, la fin de la représentation.